Aux abois depuis des semaines, les Gabonais ne savent même pas si la Cour rendra sa décision vendredi, dans les délais prévus par la Constitution, soit quinze jours après le recours de Jean Ping contre la réélection d'Ali Bongo.
La président de la Cour, Marie-Madeleine Mborantsuo, a laissé elle-même planer le suspense jeudi soir à l'issue d'une séance publique, où les avocats de MM. Bongo et Ping ont procédé à une dernière passe d'armes.
"L'affaire est mise en délibéré. En principe, la décision pourrait être rendue à l'audience du 23 septembre, mais je demande au greffier de communiquer la date exacte, l'heure exacte aux conseils des deux partis", a déclaré la femme qui tient entre ses mains l'avenir de ce petit pays (1,8 million d'habitants) aux grandes richesses naturelles (pétrole, bois, manganèse, mines...).
Saisie par Jean Ping, la Cour peut soit valider l'élection d'Ali Bongo, soit annuler l'élection présidentielle à un tour du 27 août, soit donner gain de cause au requérant qui se proclame le "président élu".
Rangée derrière Jean Ping, ex-enfant chéri du régime de feu le président Omar Bongo, une partie des 628.000 électeurs veut mettre un terme au règne de la même famille au pouvoir depuis 1967.
"Ali doit partir", scandent les opposants à l'intention d'Ali Bongo, 57 ans, élu une première fois en 2009 à la mort de son père, resté au pouvoir pendant 42 ans.
- 'Ligne rouge' -
Dans les rues de la capitale Libreville, la tension est déjà palpable. A quelques centaines de mètres du cadre solennel de la Cour, la garde républicaine avait coupé en fin d'après-midi la circulation sur le front de mer devant le palais présidentiel.
L’exécutif redoute de nouvelles violences à l'annonce de la décision de la Cour, surtout si elle confirmait la victoire d'Ali Bongo.
Des ministres ont déjà prévenu Jean Ping, 73 ans, qu'il pourrait être arrêté s'il franchissait "la ligne rouge" dans l'hypothèse où il n'obtiendrait pas gain de cause en justice.
Le 31 août, la proclamation de la réélection du président sortant avait provoqué des manifestations, des émeutes, des morts, des pillages, des assauts policiers et des arrestations par centaines dans un pays habitué à la paix civile.
Dans la capitale économique Port-Gentil, touchée par des violences post-électorales cette année et 2009, le syndicat des salariés du pétrole (Onep) a demandé aux employeurs (Total, Shell...) la possibilité de "rester à la maison, auprès des familles" à partir jeudi.
En prévision de ce week-end de tous les dangers, les Gabonais ont pris d'assaut dès jeudi boulangeries et supérettes pour stocker des provisions comme il y a trois semaines.
L'heure est cependant encore au droit. Face aux neuf juges constitutionnels, drapés dans leur toge rouge, les avocats de MM. Ping et Bongo ont argumenté pendant dix minutes.
Le conseil de Jean Ping, Jean-Rémy Bantsantsa, a plaidé pour le recomptage des voix dans le province du Haut-Ogooué, bureau par bureau, en présence d'experts internationaux.
Dans la province du Haut-Ogooué, fief familial de la famille Bongo, le président sortant a officiellement obtenu 95% des voix pour 99% de participation, lui garantissant à l'échelle du pays une avance de quelque 5.000 voix sur Jean Ping, sur un peu plus de 325.000 électeurs, selon les résultats de la commission électorale qui ont mis le feu aux poudres le 31 août.
Les avocats d'Ali Bongo ont jugé irrecevable la demande principale de Jean Ping - recompter les voix bureau par bureau dans la province du Haut-Ogooué - estimant que cette procédure n'est pas prévue par la loi électorale.
Dans une stratégie de défense très offensive, le camp Bongo a même demandé l'inéligibilité de Jean Ping, l'accusant de complicité dans les violences post-électorales fin août. Une demande rejetée par le ministère public.
Deux plaintes de ressortissants franco-gabonais ont été déposées mercredi en France, pour arrestation arbitraire, torture et tentative d'assassinat entre autres, a annoncé un collectif d'avocats qui compte aussi saisir la Cour pénale internationale (CPI).
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