Jérôme Kerviel, 39 ans, a été condamné au pénal à cinq ans de prison, dont deux avec sursis, pour des manœuvres boursières frauduleuses ayant causé, en 2008, 4,9 milliards de pertes à son employeur de l'époque.
La Cour de cassation a confirmé en 2014 cette condamnation pour abus de confiance, faux et fraude. Mais elle a cassé le volet civil qui le voyait initialement condamné à rembourser ces pertes vertigineuses, arguant que la banque avait failli dans ses mécanismes de contrôle et ne pouvait prétendre à un dédommagement intégral.
Après huit ans de procédure, à l'audience du 17 juin qui voyait la cour d'appel rejuger ce fameux volet civil, l'avocat général avait enfoncé le clou. La Société générale a "commis des fautes civiles, distinctes et de nature différente des fautes pénales de Jérôme Kerviel, qui apparaissent suffisantes pour entraîner la perte totale de son droit à réclamer une compensation intégrale de ses pertes", a estimé Jean-Marie d'Huy.
Le magistrat n'a en revanche pas demandé l'expertise financière réclamée à corps et à cris par David Koubbi, avocat de la défense. Pour ce dernier, une expertise offrirait pourtant "une chance historique de savoir ce qui s'est passé dans ce dossier".
"Dans cette affaire, la justice a dysfonctionné", mais "maintenant je veux terminer", "avec une relaxe pour sa réhabilitation", a dit Me Koubbi à l'AFP, au sujet d'une tentative parallèlement en cours pour faire réviser le procès.
- 'Faiblesses et négligences' -
La Société générale ne l'entend évidemment pas de cette oreille. "Il n'est pas vraisemblable que la cour d'appel de Versailles décide de priver la banque de dommages-intérêts", veut croire son avocat Jean Veil, rappelant que la condamnation de l'ex-trader au pénal est, elle, définitive.
La banque avait souligné le 17 juin avoir "toujours reconnu les faiblesses et négligences" de ses "systèmes de contrôle". "Mais ce sont les agissements frauduleux de Jérôme Kerviel qui les ont mis en échec", selon elle.
Si la cour suit le ministère public, il ne s'agira pas seulement d'une retentissante défaite symbolique pour la Société générale, qui de toutes façons ne pouvait espérer que son ex-employé lui verse la somme astronomique réclamée.
L'enjeu est aussi fiscal. Le géant bancaire a touché près de 2,2 milliards d'euros de l'Etat en 2009 et 2010, au titre d'un régime fiscal accordé aux entreprises déficitaires et victimes de fraude. Mais Bercy a laissé entendre que tout ceci pourrait être remis en cause si la justice épinglait des défaillances dans les mécanismes de contrôle.
Un rapport secret adressé au parquet soulignait dès mai 2008 ces enjeux fiscaux, en notant que la banque apparaissait "particulièrement intéressée à faire connaître l'existence d'une fraude complexe, rendant inopérants les systèmes de contrôle interne". Ce document "a été sciemment dissimulé", avait réagi Me Koubbi lors de sa divulgation, critiquant des "manoeuvres nauséabondes".
Plusieurs plaintes ont été déposées par M. Kerviel notamment, portant en partie sur la ristourne fiscale.
La Société générale a elle affirmé cette semaine dans un communiqué n'avoir jamais obtenu ou demandé de "régime particulier". Elle assure également qu'en l'état, la jurisprudence "ne conduit pas à remettre en cause la déductibilité fiscale de la perte encourue du fait des agissements de Jérôme Kerviel".
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.