"En raison de l'existence d'indices matériels de responsabilité suffisants, j'accepte la dénonciation" présentée par le parquet la semaine dernière, a indiqué le juge anti-corruption dans une ordonnance rendue publique.
Moins de trois semaines après la destitution controversée de Dilma Rousseff, la mise en accusation formelle de l'ex-président Lula représente un nouveau coup dur pour le Parti des travailleurs (PT, gauche), qui craint une déroute historique aux élections municipales d'octobre, au sortir d'un règne de 13 ans à la tête du Brésil.
Les procureurs chargés de l'enquête avaient accusé le 14 septembre Lula d'avoir été le "bénéficiaire direct" de largesses du groupe de BTP OAS à hauteur de 3,7 millions de réais (1,1 million de dollars au cours actuel).
L'accusation soutient qu'OAS a reversé à Lula "une partie des sommes illicitement perçues lors de la passation de marchés truqués par Petrobras", le géant pétrolier public brésilien, et que l'ex-président avait connaissance de leur origine frauduleuse.
Selon le parquet, le groupe de BTP aurait octroyé ces avantages en nature, "à travers l'achat, la personnalisation et décoration" d'un triplex dans la station balnéaire de Guaruja (Etat de Sao Paulo, sud-est).
Lula avait mis une option et payé une avance en vue de l'achat de cet appartement alors en construction, avant de renoncer à son acquisition. Le triplex est toujours au nom d'OAS et Lula conteste formellement en être le propriétaire de fait.
La femme de l'ex-président, Maria Leticia, et six autres personnes dont Leo Pinheiro, ex-patron d'OAS, et le président de l'Institut Lula, Paulo Okamoto, font également l'objet d'une inculpation.
Le procureur Deltan Dallagnol avait qualifié Lula de "commandant suprême" du réseau de corruption Petrobras, sans avancer de preuves, suscitant une vive riposte de Lula et des critiques jusque dans les rangs de la droite au pouvoir dont de nombreuses figures craignent d'être à leur tour rattrapées par l'enquête.
- 'Un spectacle pyrotechnique' -
Mardi, dans sa première réaction, Lula a qualifié de "farce" et de "spectacle pyrotechnique" les accusations à son encontre, lors d'une vidéoconférence depuis le Brésil avec New York organisée par ses avocats.
"Je crois en la Justice et nous avons de bons avocats, nous allons nous battre et voir ce qu'il en ressort", a-t-il assuré.
Lula a toujours rejeté les charges contre lui et dénonce le caractère politique de cette affaire visant à l'éliminer de la course à la présidentielle de 2018.
Il se dit victime d'une complot "des élites", dans la continuité du "coup d'Etat" parlementaire contre la présidente Dilma Rousseff, destituée par le Sénat le 1er septembre pour maquillage de comptes publics.
Le juge Moro estime dans son ordonnance que "les faits et preuves sont suffisants pour juger recevable la dénonciation" du parquet, "sans préjuger de l'issue d'un ample débat contradictoire au cours duquel les accusés, dont l'ex-président, auront toutes les opportunités de se défendre".
Le montant modeste des avantages dont aurait indument bénéficié l'ex-président "au regard de la magnitude du système délictueux qui a lésé Petrobras, ne justifie pas en soi le rejet de l'accusation", argumente encore le magistrat.
"Il est opportun de ne pas oublier que d'autres investigations sont en cours à propos de présumés avantages reçus par l'ex-président", ajoute-t-il.
Le juge anticorruption vole également à la rescousse du procureur Dallagnol qui avait accusé sans preuves Lula d'avoir été le chef d'orchestre des détournements d'argent de Petrobras au profit du PT et des partis de sa coalition, dont le PMDB de l'actuel président Temer.
"Cela trouve une justification plausible dans le fait que ce volet de l'enquête est actuellement entre les mains du Tribunal suprême fédéral (STF) au motif qu'il implique d'autres personnes bénéficiant de l'immunité parlementaire", écrit-il.
Lula est visé par trois enquêtes dans le cadre du scandale Petrobras, une affaire qui a coûté plus de deux milliards de dollars à la compagnie-phare du Brésil et bénéficié à des dizaines de responsables politiques de divers partis, à des entrepreneurs du BTP et à des directeurs de Petrobras.
Il avait déjà été inculpé le 29 juillet de tentative d'entrave à la justice par le Tribunal suprême fédéral (STF).
Le procureur général de l'Etat, Rodrigo Janot, a présenté il y a plusieurs mois des réquisitions de poursuites contre lui pour son rôle "de premier plan" dans l'affaire, sur lesquelles le STF ne s'est toujours pas prononcé.
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