"Le droit à l'oubli existe mais il ne suffit pas toujours à éliminer les conséquences provoquées par une diffusion virale" sur le net, a expliqué vendredi Antonello Soro, le Garant de la vie privée (autorité indépendante italienne qui protège les libertés fondamentales).
"Il convient d'abord de s'interroger sur la conscience que nous avons des pièges auxquels on s'expose lorsqu'on poste sur la Toile des pans de plus en plus importants de notre vie privée", a-t-il jugé.
Quatre hommes étaient entendus pour diffamation dans le cadre de l'enquête sur le suicide de la jeune Napolitaine (elle était âgée de 31 ans), qui luttait depuis des mois pour que soit retirée d'internet toute trace d'une vidéo montrant ses ébats sexuels.
Elle a été retrouvée pendue, mardi, au domicile de sa tante, à Mugnano, près de Naples (sud).
Les quatre individus, des amis de Tiziana auxquels elle avait envoyé sa vidéo pour rendre son petit ami jaloux, sont soupçonnés de l'avoir mise en ligne, à son insu, au printemps 2015.
Vues par un million d'internautes, les images s'étaient notamment retrouvées sur des dizaines de sites pornographiques, alimentant les railleries et des humiliations à l'égard de la jeune femme dont la vie était, depuis, devenue un enfer.
Tiziana avait déménagé en Toscane (centre-ouest), quitté son travail, tenté de changer de nom. Mais son cauchemar avait continué.
"Tu filmes ? Bravo !" Ces mots qu’elle dit à son amant sur la vidéo ont été tournés en dérision par de nombreux internautes, au point que cette phrase a été reproduite sur des coques de smartphones, des T-shirts et autres gadgets.
A l'époque, Tiziana ne sort plus de chez elle "parce qu'il lui est arrivé d'être reconnue et qu'on se moque d'elle", ressort-il d'une de ses dépositions, évoquée dans la presse.
Elle ne va plus au supermarché, ni au cinéma ou au restaurant. Elle pleure, est prise de crises de panique, puis sombre dans la dépression jusqu'à son geste ultime.
Après une longue bataille judiciaire, elle avait récemment obtenu de la justice que la vidéo soit retirée de plusieurs moteurs de recherche, dont Facebook, faisant valoir son "droit à l'oubli".
- "Crime sur le web" -
Mais elle avait été dans le même temps condamnée à payer 20.000 euros de frais de justice au motif qu’elle était consentante au moment de l’enregistrement. Un ultime "affront" qui, selon plusieurs journaux italiens, a poussé la jeune femme à en finir.
Les médias abordaient vendredi la question de la violence sur la Toile et de la la diffusion "virale" de certaines images, incompatible avec la notion de droit à l'oubli.
Pour le quotidien la Repubblica, "Tiziana a tenté, en vain, d'arrêter ce monde incontrôlable qu'est le web".
"Il Fatto Quotidiano" fait, quant à lui, amende honorable sous la plume de son directeur, Peter Gomez, pour s'être demandé en 2015 si cette vidéo était le fruit de "la vengeance d’un amant ou une opération de marketing destinée à lancer une nouvelle star du porno".
"Il est juste, et douloureux, de dire que nous avons joué un rôle, si petit soit-il, dans ce crime commis par le web", écrit Peter Gomez.
Pour le psychiatre et sociologue Paolo Crepet, "la jeune femme ne s'est pas suicidée, elle a été assassinée, non par une seule personne mais par de nombreuses" personnes.
"Son seul +tort+ est d'avoir vécu une histoire d'amour, un après-midi érotique et d'avoir eu un téléphone portable", poursuit-il.
Aux obsèques de Tiziana, jeudi à Casalnuovo, près de Naples, sa mère a hurlé pour qu'on rende "sa dignité" à sa fille. Elle a aussi accusé le fiancé de Tiziana de chercher à tirer profit des vidéos érotiques.
Aux journalistes qui se pressaient autour du cercueil blanc, à la sortie de l'église, sa famille a demandé que s'achève "le lynchage médiatique" enduré par Tiziana.
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