"C'est l'événement le plus important de notre histoire", a déclaré à l'AFP Carlos Antonio Losada, l'un des dirigeants des Farc, expliquant qu'il s'agit de prendre "la décision de passer d'une organisation politique militaire à une organisation politique ouverte, qui agisse en toute légalité".
Après 52 ans de conflit, c'est la première fois que les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, marxistes) vont débattre de paix et non de stratégies de guerre, lors de cette conférence organisée à El Diamante, lieu-dit perdu dans les Llanos del Yari (département de Caqueta), à plus de cinq heures de San Vicente del Caguan par une piste trouée d'ornières.
Jusqu'au 23 septembre, quelque 200 délégués de la plus ancienne guérilla des Amériques, dont les 29 membres de son état-major, et des représentants de la base, doivent se prononcer sur ce qui a été négocié pour terminer un conflit qui, au fil des décennies, a impliqué d'autres rébellions d'extrême-gauche, des paramilitaires d'extrême-droite et l'armée, faisant au moins 260.000 morts, 45.000 disparus et 6,9 millions de déplacés.
"Nous sommes évidemment sûrs, a ajouté Losada, que la conférence va approuver les accords annoncés le 24 août à La Havane" et contenus dans un document de 297 pages, résultat de presque quatre ans de pourparlers de paix avec le gouvernement du président Juan Manuel Santos.
- Première conférence ouverte -
Autre fait exceptionnel de cette conférence: pour la première fois, les chefs des Farc, nées en 1964 d'une insurrection paysanne et qui comptent encore quelque 7.500 guérilleros, ne se réunissent pas dans la clandestinité, mais avec l'aval du gouvernement et en présence de la presse.
Les autorités ont même permis à 24 rebelles de sortir temporairement de prison afin de participer à l'évènement, couvert par les journalistes de quelque 400 médias du monde entier accrédités pour l'occasion et qui sont entrés très librement dans la zone, n'ayant qu'à présenter une pièce d'identité en échange du badge de presse.
"C'est la première fois en 26 ans qu'ils tiennent une conférence où les leaders et les guérilleros vont être ensemble", a déclaré à l'AFP Kyle Johnson, analyste d'International Crisis Group, présent sur place. "La dernière fois qu'ils se sont vus c'était en 1993 pour la VIIIe conférence à La Uribe (Meta, centre). La IXe en 2007 s'est faite via internet."
Des centaines de rebelles, en treillis vert olive ou en civil, quelques uns armés, s'activaient encore vendredi pour les derniers préparatifs de ce que les Farc ont qualifié de "plus grand campement guérillero du pays".
- Des guérilleros optimistes -
Accroupis entre des sacs d'oignons et un tas de bananes plantain, certains pelaient des patates. "Je suis contente, très optimiste", lâche Vanessa Hurtado, 26 ans. Issue d'une famille de miliciens, collaborateurs des Farc, elle a rejoint la guérilla à 14 ans. Elle rêve à présent d'étudier les langues étrangères, tout en militant pour le futur parti politique que va devenir la guérilla.
Non loin des châssis de bois juste protégés de bâches en plastique où dorment les guérilleros, de vastes tentes blanches ont été dressées dans la plaine pour accueillir les sessions de la conférence, qui va débattre à huis clos sept heures chaque jour. Un poste de secours, des restaurants, une aire de camping pour la presse et même une gigantesque scène s'élèvent autour. Car chaque journée se terminera en musique, dont la dernière par un concert intitulé "Ouvrons les chemins de la paix".
Si la conférence lui donne le feu vert, Timoleon Jimenez alias Timochenko, chef suprême des Farc, signera les accords avec M. Santos le 26 septembre à Carthagène des Indes, sur la côte caraïbe. Ce même jour, les guérilleros qui n'auront pas encore quitté El Diamante prévoient une grande fête.
Les rebelles ne rendront cependant leurs armes qu'une fois les accords approuvés aussi par les électeurs le 2 octobre lors d'un référendum. Le dernier sondage, publié vendredi par le quotidien El Tiempo, donne 55,3% en faveur du "oui", 9,5 points de moins que la précédente enquête il y a une semaine.
Diana Caicedo, 30 ans, y croit néanmoins. "La signature de la paix va nous changer la vie!", s’enthousiasme cette cuisinière d'un restaurant de Las Damas, dernier hameau avant El Diamante. "On ne va plus voir tant de combats, tant de morts, tant de sang!"
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