"Personne ne s'attendait à la mort du président Mao" le 9 septembre 1976. "Rien n'avait été préparé", témoigne Xie, âgé aujourd'hui de 75 ans, affirmant avoir été "plutôt fier" de participer à ce défi.
Mao voulait être incinéré mais l'équipe dirigeante, dont son implacable veuve Jiang Qing, décide que le fondateur de la Chine communiste sera embaumé et exposé, comme le dirigeant soviétique Lénine et le fondateur du parti communiste vietnamien Ho chi Minh. Un mausolée est édifié pour lui place Tiananmen, au coeur de Pékin.
Tiré du lit, Xie Piao se rappelle avoir vu le corps du "grand timonier" dans un cercueil de verre et de bois sous la chaleur des lampes du Palais du peuple, siège du parlement chinois.
A l'époque, les systèmes de réfrigération chinois étaient peu performants. Pas question pour autant d'appeler à l'aide le rival soviétique ni son allié vietnamien.
"Nous ne pouvions pas congeler le corps. Ordre des médecins. Notre objectif était de faire baisser la température à 4 ou 5 degrés", explique M. Xie à l'AFP, lors de son premier entretien accordé à un média étranger.
"La technologie (de refroidissement) était fiable. C'était très simple", témoigne-t-il. "La peur est arrivée après", ajoute-t-il.
- Caché derrière les fleurs -
Dans les heures qui suivent, la température de l'azote qui entoure le corps est abaissée à huit degrés mais le dauphin de Mao, Hua Guofeng, n'en reproche pas moins à Xie d'utiliser une méthode "expérimentale", raconte-t-il.
La tension s'accroît encore avec le défilé jour et nuit de hauts dirigeants venus saluer le fondateur de "la Chine nouvelle" en 1949.
"Une fois, j'étais si fatigué que je me suis endormi en plein travail. Nous n'avons pas eu le temps de dormir pendant cinq à sept jours", dit-il.
La tension politique au moment de la mort de Mao fait encore monter la pression.
Au point qu'à l'arrivée de sa redoutable veuve, Xie Piao va se cacher dans les fleurs, de peur d'être la cible de l'une de ses colères, selon un récit qu'il a publié pour la première fois cette année dans la presse chinoise.
Après huit jours, sa mission est considérée comme terminée. Xie dit ne pas avoir suivi la suite du processus, chimique, pour embaumer le corps dans du formol. Mais il ne juge pas fiable le récit de l'ancien médecin de Mao, Li Zhisui, qui dit avoir vu alors la tête de l'ex-dirigeant gonfler "comme un ballon de football".
Peu de détails officiels ont été fournis à ce jour sur la conservation du corps de Mao, à laquelle ont participé quelque 400 personnes, selon M. Xie. La direction du magazine Yanhuang Chunqiu a été limogée en août, peu après la publication de son récit.
- Visage cireux -
Mao repose aujourd'hui dans une pièce sombre, vêtu d'un costume gris, son visage cireux encadré d’épais cheveux noirs. Vendredi, des milliers de Chinois sont venus spontanément lui rendre hommage pour l'anniversaire de sa mort, en l'absence de toute commémoration officielle.
Après avoir engagé le pays sur la voie des réformes et de l'ouverture, le parti communiste au pouvoir a reconnu les "erreurs" de celui dont le souvenir reste entaché par la désastreuse politique économique du "Grand bond en avant" (1957). Elle avait été sanctionnée par une famine qui a fait des dizaines de millions de morts, puis par la violence totalitaire de la "Révolution culturelle" (1966-76), qui n'a pas fini de traumatiser les Chinois.
"Même s'il y a controverse, je pense que le corps de Mao a été utile durant ces années", juge Xie Piao. Il représente un "point d'ancrage" pour les Chinois, assure-t-il, même s'il n'a revu depuis qu'une seule fois le corps du dictateur, dans les années 1980, et était "trop occupé" pour lui rendre hommage 40 ans après.
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