"Les trois autres restent à la maison, faute d'argent pour payer les frais, acheter les sacs, les chaussures, les tenues", explique cette ménagère, qui fait face aux mêmes difficultés que des milliers de familles de la capitale de la République démocratique du Congo.
Dans ce pays d'Afrique centrale, la part des ménages dans la scolarisation des enfants est estimée par l'Unicef à près de 77% des dépenses totales d'éducation. Septembre est un mois de tous les défis pour les parents, souvent obligés de retarder de quelques jours le retour à l'école de leur progéniture.
Veuve et mère de trois enfants, tous du niveau du primaire, Anny Boloko ploie sous le poids des frais de scolarité non-payés l'année dernière. "Je n'ose pas envoyer mes enfants à l'école", dit-elle, ajoutant n'avoir même pas pu réunir de quoi acheter crayons ou uniformes.
A cette allure, "je risque de ne pas les scolariser" cette année, chuchote-t-elle.
Pays parmi les moins développés de la planète, la RDC, dont l'immense majorité de la population se débat dans la grande pauvreté, fait face depuis un an à un crise économique liée à la baisse des cours des matières premières, ses principales ressources d'exportation.
A l'école primaire Isangi de Lingwala, zone pauvre du centre de Kinshasa, trois des quatre classes du niveau CM2 (cours moyen 2e année) sont désespérément vides.
A la même époque l'an passé, il y avait une "grande affluence", "plus de la moitié" des élèves avaient repris le chemin de l'école, y compris "les insolvables", dit Ferdin Mbombo, directeur-adjoint de l'établissement.
La Constitution congolaise garantit la gratuité de l'enseignement primaire mais, dans les faits, on en est loin et la situation ne date pas d'hier.
Au début de la décennie 1990, résultat d'années de gabegie du dictateur Mobutu Sese Seko (au pouvoir de 1965 à 1997), l’État est incapable de payer les professeurs.
Pour "sauver l'école", l’Église catholique invite alors les parents de l'enseignement confessionnel (sous contrat avec l’État) à verser "des primes aux enseignants" en vue de leur permettre de vivre décemment.
- Casse-tête -
La pratique s'est étendue au secteur public et à tous les niveaux (primaire, secondaire et universitaire).
C'est désormais un rituel au début de chaque année scolaire : les délégués des parents, ceux des professeurs et les directeurs d'écoles déterminent ensemble "les besoins des enseignants" pour que les cours soient dispensés, et la hauteur de "la contribution des parents" pour chaque élève.
Pour la population, ces frais ont un nom, synonyme de casse-tête : le "minerval", belgicisme hérité de la colonisation qui n'est au départ qu'une taxe minime supportée par les familles sur le nombre d'enfants scolarisés mais qui par extension qualifie les frais de scolarité.
Dans une ville où l'on lutte chaque jour pour tenter de manger à sa faim, il faut en plus "chercher l'argent pour le minerval" (payé chaque trimestre) car dans la plupart des cas, si les familles ne sont pas à jour de leurs cotisations, les enfants sont renvoyés de l'école sans autre forme de procès.
Le gouvernement de Kinshasa dispose de ressources très limitées. Pour une population de plus de 71 millions d'habitants, le budget de l’État ne dépasse pas cette année 6,4 milliards de dollars.
Dans un entretien avec l'AFP, Maker Mwaku, ministre de l'Enseignement primaire et secondaire, insiste sur les efforts des autorités en faveur de l'éducation dans cet environnement financier difficile.
"C’est vrai, reconnaît-il néanmoins, que nous n’avons pas encore réussi à payer tous les enseignants".
Quelle différence de toute façon que l'on soit payé par l'État ou non, s'interroge Camille.
"La prime de vie chère et le transport", qui sont les rubriques de la paye les plus importantes continuent d'être supportées par les parents face à la modicité du traitement reçu de l’État, qui tourne autour de 100 dollars par mois, explique cet enseignant et syndicaliste.
Selon les dernières données (2015) du Programme des nations unies pour le développement (PNUD), plus de 77% de la population congolaise de plus de 25 ans n'a pas dépassé le stade de l'école primaire.
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