Le QG, en plein centre de Libreville, porte encore les traces de l’assaut armé lancé au premières heures des violences post-électorales au Gabon il y a six jours.
Sur fond de chants religieux, 100 à 200 personnes écoutent les discours très politiques qui ponctuent cet hommage aux victimes d'une crise encore sans issue, dont le nombre exact commence à faire polémique.
Au micro, une infirmière bénévole, Aïcha, tire des larmes aux femmes de l’assistance en racontant les derniers instants d’un blessé qu’elle prétend avoir vu mourir au siège de Jean Ping la nuit fatidique du 1er septembre.
"Beaucoup de Gabonais vivent avec des balles dans leurs corps. Ils ont dit à Jean Ping de n’accepter aucune négociation", conclut la jeune femme très présente auprès des blessés depuis plusieurs jours. "Ce n’est pas parce qu’ils sont morts que nous allons baisser les bras. Nous devons continuer la lutte", promet Félicité.
- "Nous allons faire tomber la dictature" -
"Nous allons faire tomber la dictature d’Ali Bongo", promet un autre orateur, peu avant une cérémonie traditionnelle dans la cour au pied du bâtiment cossu de cinq étages surmonté d’une sorte de dôme. "Il est temps que des pays de référence comme la France puissent agir".
Quelques personnalités, comme Chantal Myboto, ex-proche d’Omar Bongo et farouche adversaire du fils Ali, sont présentes. Aucune apparition en revanche de Jean Ping, dont la maison se trouve à moins d’un kilomètre.
Cette cérémonie doit se prolonger en veillée, dans cette cour où des opposants veulent organiser un "centre d’accueil d’appels à témoins» pour chiffrer le nombre d’opposants tués ou disparus dans la répression.
- "Affabulations" -
"La crise a fait 50 à 100 morts", a lancé Jean Ping, qui revendique la victoire à la présidentielle, sur la chaîne France 24, aussitôt repris en vol par le porte-parole du gouvernement : « Affabulation ».
Plusieurs témoins sur place la nuit de l’assaut parlent de 17 morts. L’ensemble des troubles a fait trois morts selon les chiffres officiels, sept selon le comptage de l’AFP.
A deux kilomètres du QG de Jean Ping, des familles sans nouvelles d’un proche arrêté depuis plusieurs jours sont soulagées : un fils ou un frère défile à la barre de la salle d’audience du palais de justice.
Hagards après des jours de détention difficile, des hommes jeunes pour la plupart comparaissent parfois à dix pour un rappel à la loi énoncé par le président du tribunal.
"Le tribunal a décidé de vous relâcher. Il est imprudent d’être à certains endroits à certains moments. Il faut conscientiser les parents", s’entendent dire deux frères, Baptiste et Cassien, arrêtés jeudi alors qu’ils se promenaient affirment-ils dans leur quartier de Nzeng Ayong secoué par une nuit de violences.
Leurs conditions de détention ont été "humiliantes", lance leur mère, Agnès, une Française directrice d’école au Gabon.
Outre le président du tribunal, toutes ces personnes arrêtées comparaissent sans avocat devant le procureur et la doyenne des juges d’instruction, avec des hommes en uniforme dans le box. "Ca n’a rien de juridique. Aucun ne porte la robe", s’étonne une avocate dans le hall du palais de justice où la tension monte.
Les familles qui n’ont pas la chance de retrouver un proche commencent à perdre leur sang-froid. "Mon mari a disparu, depuis mercredi il n’est pas à la maison", s’emporte Chimène en pleurs. "Il n’y a plus de justice au Gabon", renchérit une femme. Un homme rappelle que le ministre de la Justice a démissionné la veille. "C’était un grand ami de Bongo".
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