"C'est important d'aller sur place et de raconter les choses proprement car, de loin, on se trompe beaucoup", souligne le photographe Laurent Van der Stockt, qui a couvert pour Le Monde la prise de Fallouja par les forces irakiennes au printemps dernier. En 2013, il avait remporté le Visa d'or "News" pour son travail auprès de rebelles de la guerre en Syrie.
"Battons-nous pour essayer d'y voir plus clair et de voir ce qu'il s'y passe", insiste-t-il lors d'une conférence intitulée "L'Etat islamique à travers ceux qui le combattent", organisée à l'occasion du festival, rendez-vous incontournable du photojournalisme ayant lieu chaque année dans la ville des Pyrénées-Orientales.
Après la reprise de Palmyre (Syrie) par les forces gouvernementales, "on a été surpris, on croyait voir le site (classé patrimoine mondial de l'Unesco) dans un pire état", raconte Régis Le Sommier, directeur adjoint de la rédaction de Paris-Match, illustrant le hiatus entre la perception d'une situation et la réalité.
Frédéric Lafargue a, quant à lui, suivi pour Paris-Match les civils fuyant Sinjar, dans le Kurdistan irakien ou les environs de Mossoul, traversant au péril de leur vie les lignes de front pour rejoindre les zones libérées. Sa série de photos, intitulée "Echapper à Daech" (acronyme arabe de l'EI), est exposée pour la 28ème édition du festival, qui se tient jusqu'au 11 septembre.
Il est allé au plus près des zones sous contrôle du groupe EI. "C'est la première fois que la menace s'applique à moi, que je suis une cible privilégiée de Daech en tant que journaliste, Français, occidental. La gestion du risque en est renforcée", indique-t-il à l'AFP, évoquant les risques d'enlèvement mais aussi d'attaque suicide.
"On raconte la périphérie, autour de Daech, on raconte ce qu'on peut voir", décrit-il. "On les approche, et on ne peut le faire qu'avec des forces armées suffisamment organisées et qui peuvent assurer notre sécurité", insiste-t-il.
- "Contourner la propagande" -
Les médias ont en effet dû modifier leur manière de travailler, notamment les professionnels de l'image, face aux risques encourus dans les zones sous contrôle islamiste mais aussi par rapport à une propagande et une communication très efficace de l'EI.
"La bataille de l'information est aussi importante que celle des armes", relève Pierre Barbancey, grand reporter à L'Humanité. "Notre travail n'est plus le même, c'est plus compliqué qu'avant", estime-t-il, notamment en raison de la complexité des rapports de force sur le terrain, des alliances fluctuantes au gré des intérêts de chacun.
"Notre nécessité, c'était d'être sur le terrain, puis tout le monde a compris que c'était trop dangereux et tout le monde a retiré ses équipes", explique Phil Chetwynd, rédacteur en chef central à l'AFP, une des trois principales agences de presse au monde.
"La propagande du groupe Etat islamique est un grand défi car tout le monde cherche des images. On a parfois, rarement, passé des images de l'EI quand on a pensé qu'il s'agissait d'une information mais toujours après un grand débat et en donnant le maximum de contexte et en disant qu'il s'agissait d'images de propagande", poursuit-il.
Il est impossible pour des photoreporters étrangers de travailler librement dans ces zones. Plusieurs ont été enlevés, certains exécutés.
"On ne voulait pas encourager des freelances à y aller, on a donc créé un réseau de contributeurs en Syrie, des gens qui habitent sur place, ce sont des jeunes photographes de terrain très talentueux. On a réussi à contourner cette machine de propagande", conclut Phil Chetwynd. Le festival leur a d'ailleurs rendu hommage lors de la projection de samedi soir.
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