Avant d'être embauchée l'année dernière comme serveuse au Training Café d'Almaty, la plus grande ville du Kazakhstan, Jouldouz Abdoukarimova, 26 ans, avait peu d'espoir de trouver un emploi, de même que ses collègues qui souffrent tous de troubles mentaux ou de difficultés d'apprentissage.
"J'ai beaucoup appris en travaillant ici", confie à l'AFP cette jeune femme timide qui a passé son adolescence dans une institution spécialisée pour handicapés mentaux.
Malgré des efforts récents des autorités pour améliorer les conditions de vie des personnes handicapées, le Kazakhstan, ex-république soviétique d'Asie centrale, a encore du mal à surmonter les stéréotypes qui existaient à l'époque de l'URSS.
Les personnes souffrant d'un handicap mental léger étaient alors souvent internées et celles atteintes de maladies plus graves se retrouvaient dans des établissements psychiatriques avec un régime quasiment carcéral.
"L'idée que ces gens pouvaient travailler, étudier dans des écoles ordinaires et même suivre des études supérieures n'est jamais venue à personne", se souvient Asia Akhtanova, qui dirige l'Association des parents d'enfants handicapés, fondée à Almaty après la chute de l'URSS en 1991.
Plus de 700 patients dont la plupart ne représentent pas de danger pour la société et sont capables de travailler continuent à vivre aujourd'hui dans des institutions spécialisées à Almaty, une ville de 1,5 million d'habitants, selon des experts.
Et seulement 3% des personnes handicapées dans le pays ont un emploi, selon les statistiques officielles.
Quelque 200.000 personnes figurent sur le registre officiel des personnes souffrant de troubles mentaux chroniques dans ce pays de 17 millions d'habitants, ont affirmé cette année des médias locaux.
- Efforts récents -
Le café, qui sert des plats traditionnels kazakhs et russes, bénéficie d'un soutien financier de l'ONG Open Society Institute du milliardaire américain George Soros, basée à New York.
Signe que cette initiative est approuvée en haut lieu, la ministre kazakhe de la Santé, Tamara Dousseïnova, est venue goûter le menu du Training Café en novembre dernier.
Le Kazakhstan a ratifié l'an dernier la Convention de l'ONU relative aux droits des handicapés et des signes de changement de l'attitude des pouvoirs publics envers ces derniers ont récemment été constatés, notamment dans les grandes villes du pays.
En 2014, un réalisateur originaire d'Almaty a tourné le premier film kazakh, inspiré par Hamlet de William Shakespeare, avec un homme souffrant de paralysie cérébrale dans le rôle principal.
Le Kazakhstan, qui était en lice pour accueillir les jeux Olympiques d'hiver en 2022 avant de perdre face à Pékin, a aussi lancé une campagne de promotion des sports paralympiques dans le pays, en attirant l'attention de la population sur les difficultés rencontrées par les personnes handicapées.
En février, le gouvernement kazakh a annoncé que plus de 4.400 personnes handicapées avaient trouvé un travail en 2015.
"Il y a des progrès. Le gouvernement a fait des efforts réels pour s'assurer que certains emplois sont accessibles aux handicapés", se félicite Almagoul Seïsenova, membre d'une association caritative à Almaty qui oeuvre pour faciliter l'accès à l'emploi de cette catégorie de la population.
- 'Sans frontières' -
Mais cette femme ne cache pas avoir peur pour l'avenir de son fils de 20 ans, handicapé mental, en déplorant que le Training Cafe soit pour l'heure la seule initiative dans sa ville visant à aider les personnes avec handicap à s'intégrer dans le monde du travail.
"Combien de personnes capables de travailler passent toujours leur vie entre les murs des institutions pour handicapés mentaux?", s'interroge-t-elle.
L'une des fondatrices du café, la psychologue Rassima Temerbaïeva, se veut plus optimiste, en confiant à l'AFP son projet d'ouvrir des cafés similaires dans d'autres villes kazakhes et dans les pays voisins, au Kirghizstan, au Tadjikistan et en Ouzbékistan.
"Au Kazakhstan, les personnes handicapées sont cantonnées dans des frontières étroites. Et ce café, c'est un endroit où les frontières n'existent pas", explique-t-elle.
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