Il se disait flâneur, photographe plutôt que photojournaliste, et aimait prendre son temps pour capturer le monde, en noir et blanc.
Son regard capable de saisir les instants de grâce se reflète dans son "Peintre de la Tour Eiffel", qui semble danser sans filet au milieu des poutrelles métalliques, pinceau à la main. Une photo devenue une icône de Paris.
"On dirait qu'il tient en équilibre grâce à son pinceau. Je n'ai aucun mérite, si ce n'est d'être monté à pied par l'escalier en colimaçon de la Tour", racontait-il en 2009.
C'est en vendant ce cliché au magazine américain "Life" en 1953 que ce jeune ingénieur trentenaire, issu d'une famille de la bourgeoisie lyonnaise, sera adoubé photographe et rencontrera Henri Cartier-Bresson et Robert Capa, qui l'inviteront à rejoindre la prestigieuse agence Magnum.
En 60 ans de carrière, ses clichés seront publiés dans de nombreux magazines comme Life, Geo, National Geographic, Paris Match ou Stern.
"La plupart du temps, je regarde, je me promène, j'ai beaucoup flâné", résumait-il.
Ces flâneries l'ont emmené dans le monde entier, en particulier en Asie, où il a fait de longs séjours. Chine, Vietnam, Inde, Tibet, Ghana, Nigeria, Cuba, seront ses terrains d'aventure pour l'agence Magnum dont il assura un temps la présidence Europe.
Avec sa crinière blanche et ses réparties moqueuses, il défendait sa singularité. "Il y a quelques mots qui m'énervent", disait-il sans s'énerver, "je ne suis pas photojournaliste, je ne suis pas un artiste, je suis photographe, c'est tout. Et je ne suis pas toujours bon, mais j'essaie".
Né le 24 juin 1923 près de Lyon dans une famille de sept enfants, frère d'Antoine, futur fondateur et PDG de Danone, et de Jean, qui présidera la banque Schlumberger, Marc Riboud a commencé la photo à 14 ans, avec le Vest Pocket noir utilisé par son père. Un père fascinant, un banquier qui racontait à ses enfants le tour du monde réalisé dans sa jeunesse.
- Un compas dans l'oeil -
Dans cette famille, Marc était le rêveur qui collectionnait les mauvaises notes. Pendant la guerre, il file dans le maquis du Vercors. Après guerre, il s'émancipe dans la photographie.
"Né géomètre, un compas dans l'oeil ", disait de lui son mentor Cartier-Bresson, en hommage à son art du cadrage.
Sa première commande à Magnum était un reportage sur les cités anglaises, a-t-il raconté au Figaro.
"Toutes les villes étaient prises sauf Leeds. Personne ne voulait y aller. Capa a répondu aux autres photographes : +C'est exactement ce qu'il faut à notre jeune Marc. Il est très timide et cette ville est la plus triste d'Angleterre+".
70 ans après, un appareil toujours en poche, il continuait inlassablement à photographier le monde, toujours en argentique - "j'ai essayé le numérique, une après-midi, une fois", disait-il. Il était encore parti, à 85 ans, photographier l'arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche.
"J'ai vendu des reportages photo parce que la presse était le seul moyen de vivre", mais "je suis rarement à la recherche de l'actualité, du scoop".
"Pour prendre une bonne photo, il faut perdre du temps, revenir en arrière, quelquefois devenir copains avec les gens qui sont là. Il faut aussi courir, des fois", disait-il.
"La photo est une question de hasard". Il y a aussi "le travail, l'énergie" et ... "être un peu patient".
En 1967, à Arlington, des pacifistes s'approchent du Pentagone gardé par des soldats, baïonnettes au fusil. "J'étais là depuis 5h00 du matin. Une masse humaine se plante devant une muraille de baïonnettes. Une jeune fille s'approche, parle aux militaires, une fleur à la main". La photo est devenue un symbole du pacifisme.
Marc Riboud a été très souvent exposé en France, à Londres ou à New York. A Perpignan, le festival de photojournalisme "Visa pour l'image" qui s'est ouvert le 27 août présente ses clichés de Cuba.
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