"Rester unis": c'est l'objectif affiché de Washington derrière la prochaine rencontre annoncée lundi entre les présidents américain Barack Obama et turc Recep Tayyip Erdogan.
Un objectif mis à mal par les tensions exacerbées entre les deux alliés de l'Otan depuis mercredi avec le lancement par Ankara de l'opération "Bouclier de l'Euphrate", visant en Syrie à la fois les combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), des YPG (Unités de protection du peuple kurde) et les jihadistes du groupe Etat islamique (EI).
Ankara considère les YPG et le PYD comme des organisations "terroristes", bien qu'ils soient épaulés par Washington dans la lutte contre l'EI.
Les affrontements entre la Turquie et les forces arabo-kurdes soutenues par les Etats-Unis sont "inacceptables", a tonné lundi l'émissaire présidentiel américain auprès de la coalition internationale anti-jihadiste, Brett McGurk, appelant toutes les parties à "cesser" les combats.
En visite à Ankara la semaine dernière, le vice-président américain Joe Biden avait lui "dit très clairement" que les forces kurdes devaient "retraverser" l'Euphrate vers l'est, faute de quoi elles perdraient le soutien des Etats-Unis.
Ces signaux contradictoires envoyés par Washington mettent en péril une bonne occasion de profiter de la nouvelle volonté affichée par Ankara de combattre l'EI, selon Matt Bryza, ancien membre du Conseil de sécurité nationale du président George W. Bush.
"Les Etats-Unis risquent de transformer une victoire en défaite", s'inquiète-t-il.
"Le président devrait énoncer clairement la politique (des Etats-Unis), car pour l'instant nous sommes face à cette dissonance entre McGurk et Biden", analyse Matt Bryza, désormais membre du centre de réflexion américain Atlantic Council.
Pour lui, il serait imprudent de la part de Washington d'offenser Ankara en soutenant les Kurdes, après avoir demandé pendant deux ans à la Turquie d'adopter une position plus ferme face à l'EI.
En revanche, "s'assurer que les YPG retournent à l'est de l'Euphrate", comme l'a affirmé plus tôt un haut responsable américain, est la bonne stratégie à suivre pour Washington selon Matt Bryza.
- 'Pas le premier choix' -
Mais pour un ancien conseiller du vice-président républicain Dick Cheney, John Hannah, Ankara a aussi sa part de responsabilité dans le regain de tensions entre la Turquie et les Etats-Unis pour avoir traîné des pieds dans la lutte contre l'EI.
"Les YPG n'étaient pas le premier choix des Etats-Unis pour devenir leur partenaire et allié dans la lutte contre l'EI sur le terrain, c'était plutôt tout ce qu'il nous restait", assure-t-il.
"Si tout ça tourne à un gros affrontement entre l'armée turque, ou les forces soutenues par la Turquie, et les YPG sans que rien ne pointe vers un engagement beaucoup plus grand de la Turquie contre l'EI, cela va évidemment susciter de nouvelles tensions bien réelles entre les Etats-Unis et la Turquie", met en garde John Hannah, aujourd'hui membre du centre de réflexion américain Federation for Defense of Democracies.
Une telle perspective pourrait même forcer Washington à déplacer ses bases militaires hors de Turquie, avertit-il dans un rapport publié lundi.
Kemal Kirisci, du centre de recherche Brookings Institution basé à Washington, décèle pour sa part des signaux positifs dans les derniers développements.
Ankara semble ainsi selon lui avoir abandonné l'espoir d'une victoire totale sunnite dans la guerre civile en Syrie. Ce qui, en plus du timide réchauffement entre Recep Tayyip Erdogan, la Russie et l'Iran, pourrait ouvrir la porte à une sortie du conflit qui a fait plus de 290.000 morts depuis mars 2011.
"Chaque acteur tente tant bien que mal d'avancer mais une autre partie est aussi en train d'être jouée à un autre niveau, qui pourrait ouvrir la voie à un possible règlement du conflit", analyse-t-il.
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