Même si tous les pronostics sont contre elle, l'ex-guérillera de 68 ans, emprisonnée et torturée sous la dictature militaire (1964-1985), ira à ce rendez-vous historique "sereine", "comme toujours", a confié à l'AFP un de ses conseillers.
"Nous devons garder espoir", a-t-elle lancé à son camp la semaine dernière.
Pour affronter les sénateurs, dont une grande majorité sont favorables à l'impeachment selon les sondages, elle sera accompagnée de son mentor politique, l'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010), du célèbre chanteur engagé à gauche Chico Buarque et d'une douzaine d'anciens ministres.
Ses partisans ont prévu d'arriver par cars à Brasilia pour manifester en son soutien, certains espérant pouvoir lui remettre des roses pour l'encourager.
Dimanche, une manifestation de soutien à Dilma Rousseff a regroupé 200 personnes à Brasilia, illustrant la perte d'influence du Parti des travailleurs (PT, gauche) de la présidente.
Depuis des mois, celle qui avait été la première femme élue à la tête du Brésil en 2010 clame son innocence et crie au "coup d'Etat" institutionnel ourdi par le principal bénéficiaire de la manœuvre: son ancien vice-président devenu rival, Michel Temer (PMDB, centre droit), 75 ans.
Il assure l'intérim depuis sa suspension le 12 mai par un vote de plus des deux tiers des sénateurs et gardera les manettes jusqu'aux élections présidentielle et législatives fin 2018 si elle est destituée.
- 30 minutes de parole -
Elle aura la parole durant 30 minutes et décidera ensuite si elle accepte ou non les questions des parlementaires, qui dans ce cas auraient chacun cinq minutes pour s'exprimer.
Puis suivront de longs débats et le vote final, attendu mardi ou mercredi. Un "oui" des deux tiers des sénateurs - 54 sur 81 - est requis pour prononcer la destitution, qui serait une première dans l'histoire du Brésil.
Si Mme Rousseff est écartée du pouvoir, elle ne pourra plus occuper de fonctions publiques pendant huit ans. Si elle est innocentée, cette économiste dont la popularité stagne à 13% retrouvera son mandat.
Dans une ambiance souvent houleuse, les parlementaires, dont plus de la moitié sont soupçonnés de corruption ou visés par une enquête, ont entendu depuis jeudi des témoins de l'accusation et de la défense, sous la direction du président du Tribunal suprême fédéral (STF) Ricardo Lewandowski comme le prévoit la Constitution.
Pro et anti-impeachment s'opposent sur le "crime de responsabilité" reproché à la présidente: le maquillage des comptes publics pour dissimuler l'ampleur du déficit et l'approbation de décrets engageant des dépenses sans l'approbation du Parlement.
Elle a commis "la plus importante fraude fiscale de l'histoire du pays", a clamé le sénateur Cassio Cunha Lima (PSDB-PB, droite). "Il n'y a rien d'illégal" dans ces agissements, a rétorqué l'ex-ministre de l'Economie Nelson Barbosa, entendu comme témoin.
- Climat politique tendu -
Tous ses prédécesseurs ont eu recours à ces pratiques, sans être inquiétés.
Mais alors que la première économie d'Amérique latine traverse une récession historique, le climat politique s'est brutalement tendu.
Le "miracle" brésilien n'est qu'un lointain souvenir: après quatre années de maigre croissance, le PIB a chuté de 3,8% en 2015 et devrait reculer de 3,1% en 2016.
Désormais 11 millions d'habitants sont au chômage, l'inflation s'est envolée et le déficit budgétaire dépasse les 45 milliards de dollars.
La grogne sociale s'est envenimée quand a éclaté le méga-scandale de corruption au sein du géant étatique pétrolier Petrobras, qui éclabousse tout autant le PT que le parti de M. Temer et la majeure partie de l'élite politique.
Et même l'étoile de Lula, un temps pressenti pour une nouvelle candidature en 2018, a pâli: l'emblématique ex-ouvrier devenu président, dont les programmes sociaux ont sorti de la pauvreté près de 30 millions de Brésiliens, a été inculpé de tentative d'entrave à la justice, corruption passive et blanchiment d'argent dans l'affaire Petrobras.
Tout aussi impopulaire que sa rivale, Michel Temer hériterait si elle est destituée d'un pays terni par la crise et la corruption. Dès mardi ou mercredi, il s'envolera en Chine pour un sommet du G20 où il compte bien redorer le blason du géant latino-américain.
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