Une douzaine de grandes tentes bleues sont alignées dans un champ à l'entrée de ce hameau de la commune d'Accumoli, séparées par des petits sentiers de graviers signalant que le provisoire est prêt à durer.
De longues tables en bois ont été dressées avec des nappes en papier, des bancs et des assiettes en plastique. On dirait une fête de village.
Sauf qu'il n'y a pas de lampions, mais un phare halogène aveuglant. Pas de musique, mais le bourdonnement des hélicoptères dans le ciel et le ronronnement des moteurs de camions. Pas d'éclats de rire, mais des soupirs. Pas de fumée de grillades, mais des volutes de fumée de cigarettes fumées nerveusement.
Sans savoir combien de soirées comme celles-ci il faudra endurer avant de retrouver une vie normale, chacun vient chercher un peu de réconfort. En file indienne, habitants du village, secouristes, pompiers, militaires saisissent le plateau en plastique que leur tend une volontaire au visage fatigué.
"Messieurs, qu'est-ce-qui vous ferait plaisir? des pâtes?", demande avec un sourire un peu forcé l'un des serveurs bénévoles, s'affairant derrière le buffet de fortune.
Le repas est offert par la cellule d'urgence de la Fédération des chefs italiens, qui intervient bénévolement pour venir en aide aux populations touchées par des catastrophes naturelles.
"Ce soir, vu les températures fraîches, nous avons préparé une soupe aux haricots secs et au piment", détaille le chef Roberto Rosati, qui était déjà présent avec son équipe dans les camps de tentes après le séisme de L'Aquila en 2009.
Pour le déjeuner, les chefs avaient préparé les pâtes à l'amatriciana, une recette inventée à quelques kilomètres de là, à Amatrice, l'un des bourgs dévastés par le séisme.
- Froid et pénombre -
Autour d'un plat, les langues se délient, pour mettre des mots sur le drame qui en quelques secondes a rasé ce hameau paisible et bouleversé la vie de ses habitants.
"Cette nuit-là, on n'a même pas eu le temps de se lever qu'il a fallu tout de suite chercher à vivre coûte que coûte", raconte Silvia Micozzi, 28 ans, après avoir vidé son assiette.
"Je suis vivante parce que j'ai réussi à sortir. Il y avait un trou dans le mur et je suis sortie par le toit, j'ai marché sur les toits, puis une terrasse et là j'ai pu descendre", poursuit la jeune femme.
Nombre de sinistrés étaient en visite pendant les vacances et sont repartis chez eux, mais comme la vingtaine d'habitants, Silvia Micozzi dormira ce soir sur un lit de camp dans l'une des douze tentes bleues.
Ils ont pu y déposer les petits sacs en plastique dans lesquels ils trimballaient depuis mercredi les maigres effets sauvés du chaos: une veste, un coussin, un sac à main...
Pour le reste, une salle de sport a été transformée en immense dépôt où les sinistrés ont reçu des couvertures, des vêtements ou encore des produits d'hygiène.
"L'organisation est parfaite, de l'aide est arrivée de partout, on ne manque de rien", assure-t-elle, même si la file d'attente s'allonge devant les trop rares sanitaires.
Le temps du repas touche à sa fin. Le soleil a disparu depuis longtemps derrière les montagnes et peu à peu le froid et la pénombre enveloppent les ruines de la première maison de ce hameau construit sur une route escarpée.
Seul le grillage qui clôturait le jardin est resté debout, surplombé par un panneau de signalisation "Illica".
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.