Le juge administratif de dernier recours, habitué aux dossiers sensibles tels que l'euthanasie, mais dont rarement décision sera autant suivie, dira à 15h00 s'il suspend ou non un arrêté pris à Villeneuve-Loubet, sur la Côte d'Azur.
La décision fera date pour la trentaine de communes françaises ayant pris des arrêtés similaires, mais aussi pour l'exécutif. Le gouvernement compte en effet sur le Conseil d'Etat pour trancher, au moins juridiquement, un débat qui n'en finit pas de s'envenimer et de diviser jusqu'en son sein.
S'exprimant jeudi pour la première fois sur le sujet, le président François Hollande s'est bien gardé de s'avancer: il a appelé à ne céder ni à la "provocation" ni à la "stigmatisation", mettant en avant le "grand enjeu" de "la vie en commun" dans le pays qui compte la plus importante communauté musulmane d'Europe.
Mais la décision de la haute juridiction administrative sera aussi regardée avec intérêt au niveau international, où la polémique française sur ces tenues de bain islamiques, couvrant le corps des cheveux aux chevilles, est suivie avec une certaine consternation.
La justice française a "l'occasion d'annuler une interdiction discriminatoire qui se fonde sur, et qui nourrit, les préjugés et l'intolérance", a estimé dans un communiqué John Dalhuisen, directeur du programme Europe d'Amnesty International.
Face aux "passions" politiques, "vous devez être la boussole qui indique le chemin des libertés", a réclamé l'avocat de la Ligue des droits de l'homme (LDH), Me Patrice Spinosi, jeudi lors de l'audience au Conseil d'Etat.
- 'Stigmatisation dangereuse' -
La LDH ainsi que le Collectif de lutte contre l'islamophobie en France (CCIF) demandent non seulement la suspension de l'arrêté qui exige une tenue de bain respectueuse "des bonnes mœurs et de la laïcité", mais une grande décision de principe, consacrant la liberté de religion.
L'avocat de Villeneuve-Loubet, Me François Pinatel, a lui plaidé le souci de l'ordre public dans le "cas particulier" d'une commune sous tension à la suite des attentats. Dont celui ayant fait 86 morts le 14 juillet à Nice, ville proche.
Qu'il se cantonne au cas particulier de la commune, ou qu'il se risque à redéfinir la laïcité à la française, le Conseil d'Etat ne pourra toutefois pas mettre fin à un débat marqué par les surenchères politiques.
Féministe et opposée au burkini, la ministre de l’Éducation Najat Vallaud-Belkacem a estimé que "la prolifération" des arrêtés n'était "pas la bienvenue", tandis que sa collègue de la Santé, Marisol Touraine, y voyait une "stigmatisation dangereuse pour la cohésion de notre pays".
Ces arrêtés "ne sont pas une dérive" a rétorqué le Premier ministre Manuel Valls, pour qui il n'est toutefois pas question de légiférer.
Nicolas Sarkozy, candidat à la primaire de la droite, veut au contraire inscrire dans une loi l'interdiction des signes religieux dans les entreprises, les administrations, les universités. Le Front national a dans la foulée demandé d'étendre à l'ensemble de l'espace public l'interdiction du port du voile.
Le burkini s'inscrit dans un débat récurrent en France sur la place de l'islam, émaillé de polémiques et de lois. Le pays a été le premier en Europe à interdire, en 2010, le voile intégral dans tout l'espace public. Le foulard islamique avait auparavant, en 2004, été banni dans les écoles, collèges et lycées publics.
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