Le chercheur, qui publie cette semaine aux éditions de La Découverte un "Petit manuel pour une laïcité apaisée", met en garde contre les risques d'une stigmatisation des musulmans.
Q: Les arrêtés municipaux anti-burkini pris ces derniers jours sont-ils une entorse au principe de laïcité?
R: "Ces arrêtés anti-burkini me rappellent ceux de maires contre le port de la soutane le siècle dernier. Lors du débat sur la loi de 1905, Aristide Briand, qui fut rapporteur de la loi de séparation des Eglises et de l'Etat, avait dit que ce serait un paradoxe qu'une loi conçue pour défendre la liberté interdise aux prêtres de s'habiller comme ils voulaient. La modération l'avait emporté".
"Aujourd'hui, on est dans cette même problématique, non plus sur la séparation mais sur la neutralité. Quelle neutralité va permettre le mieux de vivre ensemble: une neutralité extensive, qui va jusqu'à la disparition de tout signe visible dans l'espace public? Ou une neutralité de la puissance publique qui elle est au service de la liberté de conscience de chacun?"
"Je pense que cette deuxième option est plus fidèle à l'esprit de 1905. Elle isole le plus l'extrémiste et peut mieux le combattre".
Q: Y a-t-il eu un glissement de la notion de laïcité ?
R: "Autour de cette notion, il y a eu deux lois, en 2004 sur les signes ostentatoires à l'école et en 2010 sur la burqa. Mais surtout, il y a eu une accumulation de discours, contre l'Observatoire de la laïcité, pour étendre l'interdiction du voile à l'université, exclure les mères voilées des sorties scolaires... Même si la plupart de ces dernières tentatives n'ont pas abouti, elles ont donné aux musulmans le sentiment d'être en permanence montrés du doigt".
"Que signifie de demander aux musulmans de la "discrétion"? Je suis dans le Limousin où, comme tous les sept ans, se tiennent les ostensions, des processions où on promène à travers les villages les reliques de saints chrétiens: il n'est venu à personne l'idée de demander aux catholiques d'être discrets".
Q: Des mesures sécuritaires sont parfois justifiées par le principe de laïcité...
R: "Depuis des mois, les policiers font leur travail, sont exténués. Ils peuvent combattre les terroristes, mais ils ne peuvent pas supprimer l'attraction du terrorisme: c'est le rôle des politiques, de l'encadrement démocratique. Le politique doit apparaître comme un rempart pour la liberté de conscience".
"Dans la situation actuelle, le trouble à l'ordre public est créé à partir de mesures qui empêchent les gens de s'habiller comme ils veulent à la plage. Il doit y avoir coexistence entre le string et le vêtement".
"Le climat de pré-campagne présidentielle s'annonce délétère. Il faut du sang-froid pour résister au mouvement spontané qui serait de dire: il y a une menace de plus en plus grave alors les mesures sont de plus en plus dures. Cette attitude est contre-productive car ces mesures ne sont pas prises contre des gens menaçants mais dont on va alimenter le sentiment de stigmatisation".
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