Ce n'est certes pas tout à fait la parité mais près d'un tiers des conscrits de la classe 1997 arrivés dans l'armée norvégienne cet été étaient des "conscrites".
Dans le bataillon de cavalerie blindée stationné à Setermoen, juste au-dessus du cercle polaire, de toutes fraîches recrues s'initient au maniement du fusil d'assaut pour pouvoir remplir d'éventuelles missions de combat. Ça et là, des queues de cheval dépassent des casquettes.
"Ça me donne un plus gros vivier de recrutement", se félicite le commandant du bataillon, le lieutenant-colonel Pål Berglund. "Je recherche toujours les mêmes compétences mais il me semble évident que ces compétences se trouvent aussi dans une partie importante de la population féminine".
Les Norvégiennes pouvaient depuis près de 40 ans déjà se porter volontaires au service militaire, contribuant à féminiser une institution qui a accueilli ses premières pilote de chasse, pilote d'hélicoptère ou encore commandante de sous-marin au début des années 1990.
En 2013, un Parlement quasi unanime a fait tomber l'un des derniers bastions de la résistance à l'égalité des sexes en adoptant la conscription pour tous, alors que le Premier ministre n'était autre que l'actuel chef de l'Otan Jens Stoltenberg.
Le pays scandinave --où quatre des cinq derniers ministres de la Défense ont été des femmes-- est ainsi depuis cette année le premier membre de l'Alliance atlantique où le service militaire est obligatoire pour les deux sexes, à l'instar d'une toute petite poignée d'États comme Israël.
"En opérations, c'est un avantage d'avoir des femmes", souligne Pål Berglund. "Notamment pour le renseignement: elles ont accès à des éléments de la population inaccessibles aux hommes".
- Contre le harcèlement, la chambrée mixte -
Les besoins annuels de l'armée étant inférieurs à 10.000 conscrits sur quelque 60.000 appelés potentiels des deux sexes, seuls les plus motivés servent effectivement sous les drapeaux. Une expérience souvent vécue comme un accomplissement de soi et valorisée ultérieurement dans le monde du travail.
"C'est l'occasion de couper le cordon ombilical. C'est bien que les filles et les garçons aient les mêmes opportunités", estime le soldat Marianne Westum. "J'ambitionne de devenir beaucoup plus indépendante, d'apprendre à travailler en équipe, de me faire des amis d'autres milieux, bref de devenir plus adulte".
La brunette de 18 ans partage une chambre avec une autre fille et quatre garçons. Bien rangés dans l'armoire métallique à côté des tenues de camouflage et de la gourde réglementaires, seuls un soutien-gorge et un sac à main trahissent une présence féminine.
Ne serait-ce pas tenter le diable que de confiner dans la même chambrée jeunes filles et garçons en pleine force de l'âge?
"On voit que la cohabitation accroît la tolérance, l'acceptation et la compréhension mutuelles", rétorque Nina Hellum, chercheuse à l'Institut de recherche de la Défense norvégienne. "Vous ne voulez pas fricoter et coucher avec quelqu'un de votre chambre ou de votre unité parce qu'après, ça plombe l'ambiance".
Une étude parue en 2014 tendait à montrer que les dortoirs unisexes aidaient à combattre le harcèlement sexuel grâce à un phénomène de "dégenrisation". En polissant le comportement des garçons et en dissuadant les filles de badiner, ils permettent de tisser un esprit de camaraderie, voire une relation quasi fraternelle, affirmaient les auteurs.
"Au début, on est un peu timides. On sait pas trop comment se comporter en présence de filles. Mais passée la gêne initiale, on se relâche et les filles deviennent rapidement des nôtres", témoigne un jeune appelé, Kasper Sjåvåg.
La mixité, "ça fait qu'au niveau des performances physiques, je peux pousser mes limites et m'habituer à travailler davantage pour suivre le mouvement", affirme sa camarade de chambre, Gine Grimsbu. "D'un point de vue social, les garçons nous traitent avec respect. Il y en a certains qui n'ont pas trop l'habitude d'être avec des filles mais je pense que ça va aller".
Selon une récente enquête de l'armée norvégienne, une immense majorité des femmes soldats sont favorables aux chambres mixtes. Mais encore 18% disaient avoir été victimes de commentaires ou gestes déplacés.
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