Ce projet est sur la table depuis des années et son maître d'oeuvre, le géant français de l'électricité EDF, pensait pouvoir enfin lancer les travaux lorsque son conseil d'administration a donné son feu vert le 28 juillet à ce plan pharaonique de 18 milliards de livres (20,8 milliards d'euros).
Mais le soir même, le gouvernement de la Première ministre conservatrice Theresa May créait la surprise en disant vouloir encore "examiner avec soin" ce projet en vue d'une décision finale repoussée au début de l'automne.
Londres avait pourtant donné son accord de principe dès octobre 2013 à la construction de deux réacteurs EPR dans le sud-ouest de l'Angleterre par EDF. Mais le géant de l'électricité a ensuite dû gérer des modifications du tour de table des investisseurs - avec la sortie d'Areva et l'entrée à hauteur d'un tiers de l'entreprise chinoise CGN.
Le temps que l'entreprise publique française persuade son conseil d'administration de se lancer dans ce vaste chantier, la bourrasque du vote pour le Brexit a fait chuter le gouvernement de David Cameron - très favorable au projet - et les intentions de son successeur sont mystérieuses.
"Les raisons de cette +nouvelle réflexion+ sur Hinkley Point C sont multiples et compliquées", explique à l'AFP Peter Williamson, professeur de gestion internationale à l'Université de Cambridge.
"Non seulement certains ont soulevé des questions de sécurité, mais il y a aussi la question économique avec un prix garanti très élevé, et plus généralement la question de savoir si nous devons opter pour quelques grandes centrales nucléaires ou plutôt pour des technologies de +mini-centrales nucléaires+ ou d'autres énergies alternatives", décrypte-t-il.
Sur le plan sécuritaire, le chef du cabinet de la Première ministre, Nick Timothy a, par le passé, jugé "incompréhensible" que le Royaume-Uni accepte des investissements chinois dans son réseau d'électricité, évoquant des risques en matière de sûreté industrielle.
Mais le projet inquiète également au plan budgétaire, ses opposants soulignant que les constructions de réacteurs EPR ailleurs dans le monde ont entraîné d'innombrables complications, surcoûts et retards.
- Réduire les émissions de CO2 -
Mettre ce plan sur les rails est "une décision extrêmement importante sur laquelle nous ne pouvons pas nous tromper", reconnaît le 10 Downing Street, d'autant que Hinkley Point est au coeur de la stratégie de relance de l'énergie nucléaire au Royaume-Uni... qui semble elle-même en cours de réexamen.
En 2015, l'électricité générée au Royaume-Uni a été produite à environ 30% par des centrales au gaz, à 30% supplémentaire par des centrales à charbon, à 19% par des réacteurs nucléaires et 19% par les énergies renouvelables (éoliennes, hydroélectricité, énergie solaire, biomasse, etc.).
Mais des huit centrales nucléaires en fonctionnement, une seule marchera encore après 2030 et les centrales au charbon les plus polluantes sont aussi vouées à la fermeture. Les autorités doivent donc trouver de nouvelles sources d'électricité, tout en respectant leur objectif très ambitieux de réduire de 57% les émissions de dioxyde de carbone d'ici à 2030 par rapport à leur niveau de 1990, dans la foulée de l'accord international conclu en décembre à la COP21 à Paris.
"C'est le moment d'investir beaucoup plus dans l'efficacité énergétique et dans les énergies renouvelables", explique Olivia Gippner, chercheuse spécialiste dans ce domaine à la London School of Economics, qui cite en exemple la transition amorcée en Allemagne.
Plusieurs pistes sont avancées par des experts: encourager le captage du CO2 en vue d'une réutilisation industrielle, ou développer les techniques de stockage d'électricité pour compléter la production des éoliennes.
La génération d'électricité par le vent reste en effet perfectible car soumise aux caprices du climat, mais elle est très prometteuse sur les îles britanniques exposées au large. Le ministère de l'Energie a ainsi donné son feu vert mardi à un projet qui pourrait voir émerger une gigantesque ferme éolienne offshore au large du Yorshire (nord-est de l'Angleterre), dont la capacité équivaudrait à celle d'un réacteur EPR.
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