Pas moins de 560 romans, soit 29 de moins que l'an dernier, sont annoncés en librairie entre le 18 août et le mois d'octobre. Parmi cette pléthore de livres, on compte 363 romans français dont 66 premiers romans et 197 romans étrangers dont le nouveau Salman Rushdie, l'écrivain britannique sous la menace d'une fatwa le condamnant à mort depuis 1989.
Parmi les romans ancrés dans le réel, "L'insouciance" (Gallimard) de Karine Tuil s'impose. Ce livre de plus de 500 pages captivantes entraîne ses lecteurs de l'enfer afghan à l'ambiance feutrée mais tout aussi cruelle des cabinets ministériels en passant par les banlieues en déshérence et le conseil d'administration de multinationales. A travers le destin de quatre personnages, Karine Tuil évoque les questions qui nous hantent et, parfois, nous effraient à l'heure du repli identitaire et du terrorisme.
Dans "A la fin le silence" (Seuil), Laurence Tardieu s'interroge. Roman écrit à la première personne, il raconte la quête (vaine?) de "retrouver la joie intérieure" après les attentats de Charlie Hebdo et la prise d'otages de l'Hyper Cacher. D'autant, souligne la romancière, que "cela n'était qu'un début". Le roman s'achève après le 13 novembre... avant Nice et Saint-Etienne-du-Rouvray.
Fiction évidemment, "L'homme qui voyait à travers les visages" (Albin Michel) d'Eric-Emmanuel Schmitt imagine un attentat à la sortie d'une messe. Dans "Continuer" (Minuit), Laurent Mauvignier nous fait suivre les pérégrinations d'une mère et de son fils au Kirghizistan. Habilement construit, le roman nous replonge dans les rêves brisés, un jour de juillet 1995 à Paris, de cette mère perdue.
L'avenir imaginée par la Belge Emmanuelle Pirotte dans "De profundis" (Cherche-Midi) est tout sauf serein. Le virus Ebola ravage la planète. A Bruxelles les extrémistes religieux tiennent le haut du pavé et massacrent indistinctement. Dans ce cauchemar, on suit une femme, sa fille mutique... et un fantôme. Hallucinant.
Prix Goncourt en 2004, Laurent Gaudé revient avec un des livres les plus puissants de cette rentrée. "Ecoutez nos défaites" (Actes sud) mêle des soldats d'aujourd'hui (au Proche-Orient) et d'hier (Grant, durant la guerre de Sécession, Hannibal marchant sur Rome et Hailé Sélassié assiégé par les troupes italiennes). Comment sauver l'humanité en chacun de nous, s'interroge Gaudé dans ce roman à la fois sombre et lumineux.
- Les aguerris -
Chaque rentrée est également l'occasion de retrouver des plumes aguerries.
Amélie Nothomb répond présente avec "Riquet à la houppe" (Albin Michel) où elle revisite de façon subtile le célèbre conte de Perrault.
Nina Bouraoui, prix Renaudot 2005, explique qu'elle a écrit "Beaux rivages" (JC Lattès), histoire d'une rupture amoureuse, "pour tous les quittés du monde".
Cette année marque également le grand retour de Jean-Paul Dubois, prix Femina 2004, qui publie chez L'Olivier "La succession", une chronique familiale où, lorsqu'on ne se suicide pas, on aime les chiens et les voitures anglaises.
Face aux désordres du monde, aimer est peut-être la forme ultime de résistance veut nous faire croire Serge Joncour, lauréat du prix des Deux Magots en 2015, avec "Repose-toi sur moi" (Flammarion).
Récemment élu à l'Académie française, Andrei Makine, prix Goncourt et Médicis en 1995, nous entraîne dans la taïga sibérienne avec "L'archipel d'une autre vie" (Seuil), un formidable hymne à la liberté.
Prix Femina en 2005, Régis Jauffret propose "Cannibales" (Seuil) un roman épistolaire où une femme abandonnée et la mère de son amant volage mettent au point la façon de se débarrasser de l'infidèle. Histoire de meurtre encore dans "Babylone" (Flammarion) avec une Yasmina Reza qui prend plaisir à jouer avec nos nerfs tandis que Leïla Slimani donnera des cauchemars à tous les parents avec sa "Chanson douce" (Gallimard).
Roman ascétique, superbement écrit, "Le grand jeu" (Rivages) de Céline Minard, lauréate du prix du Livre Inter en 2013, propose une solution radicale face au dérèglement du monde: s'en détacher.
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