Attendue en janvier prochain, "Bureaucrazy" fournit documents, adresses et surtout explications sur les procédures, généralement kafkaïennes, pour obtenir un logement, une couverture sociale ou un compte bancaire.
"A mon arrivée, j'ai dû attendre deux semaines pour un papier appelé +Kostenübernahme+ (prise en charge des frais), qui autorise à résider dans un appartement ou un hôtel" aux frais de l'Etat, explique l'un des développeurs, Omar Alshafai, 30 ans.
"Quand j'ai signé le document - c'était en allemand -, je n'avais pas la moindre idée de ce que c'était", poursuit le jeune homme, arrivé de Damas en avril 2015 et formé comme ses camarades à la ReDI School of Digital Integration de Berlin, qui apprend aux réfugiés à coder et monter une entreprise.
Le projet de cette école, qui est à but non lucratif, a été lancé à l'automne 2015, après l'arrivée de centaines de milliers de migrants en Allemagne. Les premiers étudiants ont commencé en février, ils étaient 42, et 35 d'entre eux ont achevé leur cycle de formation quatre mois plus tard.
Arrivé à Noël dernier à Berlin en provenance de Damas, Ghaith Zamrik, 19 ans, a intégré le programme de ReDI en février. Il raconte qu'à la première session, les nouveaux arrivants ont discuté de leurs difficultés "et de la manière dont la technologie pouvait les résoudre".
- 'Mietschuldenfreiheitsbescheinigung' -
"Nous avions deux problèmes, d'abord la langue et ensuite la bureaucratie, parce que nous ne comprenions pas comment le système marche ici", ajoute-t-il.
Les contorsions vocales requises pour entamer une vie en Allemagne leur arrachent encore des cris de douleur, le "Mietschuldenfreiheitsbescheinigung" - qui atteste l'absence de dette locative - trônant au sommet de ce vocabulaire démoniaque.
Les récentes mésaventures d'un touriste chinois, bloqué douze jours dans un centre de réfugiés pour avoir rempli sans la comprendre une demande d'asile peu après son arrivée en Allemagne, ont illustré la puissance de cette bureaucratie redoutable, et pas seulement pour les réfugiés.
"Nous espérons aider tous les migrants, ou tout nouveau venu en Allemagne", explique Ghaith Zamrik qui, comme le reste de l'équipe de Bureaucrazy, n'avait aucune expérience informatique mais entend montrer ce que les réfugiés peuvent apporter à l'économie.
Pour Anne Kjaer Riechert, cofondatrice et directrice de ReDI, les demandeurs d'asile représentent un vivier grâce auquel l'Allemagne peut espérer pourvoir ses 43.000 postes vacants dans le secteur technologique.
Même dépourvus de formation dans ce domaine, "ils sont ce qu'on peut appeler des utilisateurs +extrêmes+ des technologies mobiles parce que le smartphone a été vital" dans leur exil, à la fois comme outil de navigation et comme lien avec leurs proches, souligne Mme Riechert.
- Climat d'inquiétude -
ReDI travaille désormais avec de grandes entreprises allemandes, comme Mercedes, pour placer des demandeurs d'asile qualifiés dans leurs départements innovation, ce qui est "plus bénéfique à long terme pour tout le monde" que de les cantonner sur les chaînes d'assemblage, poursuit-elle.
Les entreprises fondées par des migrants employaient 1,3 million de personnes en Allemagne en 2014, une hausse de plus d'un tiers par rapport à 2005, alors que le nombre d'entrepreneurs d'origine étrangère grimpait dans le même temps d'un quart, à 709.000, selon une étude récente de la Fondation Bertelsmann.
Bureaucrazy a intéressé les médias allemands dans un climat d'inquiétude croissante autour des réfugiés, juste après la série d'attaques commises en juillet par des demandeurs d'asile dans le sud du pays, dont deux ont été revendiquées par l'organisation Etat islamique.
Ghaith Zamrik raconte avoir été réconforté, dans la foulée des attentats, par le ton de la chancelière Angela Merkel et son optimisme affiché quant aux chances d'intégrer le 1,1 million de réfugiés arrivés l'an dernier en Allemagne. Celle-ci a en effet répété fin juillet malgré les critiques de son propre camp conservateur son credo pour l'intégration des migrants : "Wir schaffen das !" ("Nous allons y arriver").
"Ça m'a rappelé le sentiment que j'avais en quittant la Syrie, et pourquoi je m'étais dit que je pourrais choisir l'Allemagne pour m'y établir", se rappelle-t-il.
L'équipe de Bureaucrazy, qui a dévoilé une première version de l'application en juin lors d'un salon de start-up, a lancé un appel aux fonds sur la page https://www.betterplace.org/en/projects/47346-support-bureaucrazy-simplify-german-bureaucracy pour poursuivre son développement.
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