Kai et Junior, deux lamantins mâles arrivés dans la nuit de lundi à mardi, "vont bien", a-t-on appris jeudi auprès du parc national de Guadeloupe, à l'origine du programme. Ils "commencent à interagir avec les équipes de soigneurs, à s'alimenter et s'hydrater", a précisé l'un de leurs soigneurs lors d’une présentation à la presse.
Le lamantin, un mammifère plus gros que le phoque, au corps en fuseau épais et à nageoire non creusée, figure comme espèce "vulnérable" dans la liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Le projet, qui vise à les faire se reproduire dans un bassin de 400m² et à relâcher leur descendance en milieu naturel dans le Grand-Cul-de-Sac Marin, entre ainsi dans une phase "concrète", dix ans après son lancement et plusieurs espoirs déçus.
Mais il a pris du retard : les premiers spécimens étaient annoncés en provenance du Brésil en 2014 puis 2015. En 2014, l'élection présidentielle brésilienne a reporté le processus, puis le Brésil a fait marche arrière en avril 2015 alors que l’arrivée de trois animaux était annoncée comme imminente. Faute de document formel, aucun recours n'a été possible et des pénalités ont même dû être discutées pour dédommager l'avionneur censé récupérer les lamantins au Brésil.
Les deux jeunes mâles reproducteurs de 6 et 7 ans, pesant entre 500 et 700 kg, issus de "dons" du zoo de Singapour, et dont les ascendants sont "originaires du Guyana", ont donc été accueillis en Guadeloupe avec une joie non dissimulée.
Après 40 heures de vol, ils sont "stressés" par le voyage, "un peu farouches", mais "les premiers signes sont positifs", indique l’équipe du parc, précisant qu’elle se donne "un mois" pour voir l'évolution des mammifères.
- 15 animaux à terme -
"On n'aurait jamais pensé aller les chercher aussi loin", a souligné Hervé Magnin, responsable du service patrimoine au parc national de la Guadeloupe, expliquant que le zoo français de Beauval, dans le Loir-et-Cher, avait servi d’intermédiaire.
Il devenait "urgent" de commencer le programme, au risque de devoir "renégocier" avec l’Union européenne, qui finance le projet à hauteur de 3,5 millions d'euros, a précisé Ferdy Louisy, président du parc national de la Guadeloupe, qui a fait part de son "soulagement".
En 2015 déjà, l'Europe avait débloqué un million d'euros de budget pour des études et des aménagements, plusieurs dizaines de milliers d’euros avaient été investis pour achever les infrastructures, et une équipe de soigneurs et vétérinaires avait été recrutée. "Il était difficile de garder l'équipe, la motivation, il fallait des animaux", souligne Hervé Magnin. Sur cinq membres du personnel, trois ont dû être remplacés entre 2015 et 2016.
La commission européenne a d'ailleurs procédé à une première évaluation, mercredi, deux jours après l’arrivée de Kai et Junior. Une visite de contrôle sur le site de Blachon, au Lamentin, commune du nord de la Basse-Terre où ont été mis à l'eau les mammifères, prévue de longue date, qui risquait faute d'animaux de mettre en péril ce projet, baptisé "Life Sirenia".
A terme, le programme, co-financé par l'UE, l'Etat français, la Région Guadeloupe et des partenaires privés pour un montant total de 5 millions d'euros, prévoit l'arrivée de 15 lamantins (10 femelles et 5 mâles) "d'ici 5 ans".
Kai et Junior devraient être rejoints par de nouveaux spécimens "dans les prochains mois". Des discussions sont en cours avec le Mexique, le Guyana ou encore la Colombie. "L'objectif étant d’avoir suffisamment de souches extérieures pour éviter la consanguinité et avoir un troupeau sain", précise Maurice Anselme, le directeur du parc national.
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