C'est avant même l'âge d'or du western hollywoodien que des versions cinématographiques du mythe de la conquête de l'Ouest américain - parmi les toutes premières - voient le jour dans le delta du Rhône avant la première guerre mondiale, d'abord en muet et noir et blanc.
"Des attaques de trains par des chevaliers, des troupeaux de chevaux, des gitans quit tenaient le rôle des indiens...tout y était déjà, dans ces films! C'était la préhistoire des westerns", déclare à l'AFP Sam Stourdzé, co-commissaire avec Estelle Rouquette de l'exposition "Western camarguais", à voir à l'église des Frères-prêcheurs d'Arles jusqu'au 28 août, dans le cadre des Rencontres de la photographie, qu'il dirige depuis deux ans.
"Ces films ont largement contribué à façonner l'image actuelle de la Camargue", poursuit M. Stourdzé, qui se réjouit d'avoir travaillé étroitement avec les acteurs locaux sur ce projet.
"Isolement, pauvreté, rudesse du climat, insalubrité et aridité", autant de "singularités" de la Camargue au tournant du siècle, écrivent Laure Marchis-Mouren et Estelle Rouquette dans la préface "Wild South Camargue" du livre "Western camarguais", à paraître le 7 septembre chez Actes Sud, rassemblant photos, affiches et témoignages d'époque.
Autant d'éléments qui créent "un univers hors du commun dont les gardians, leurs chevaux, les taureaux sont les gardiens", lit-on dans sa préface.
Cette épopée provençale commence en 1905 lorsque le marquis Folco de Baroncelli - célèbre manadier (éleveur de taureaux et de chevaux camarguais) et "inventeur" de la Camargue touristique telle qu'elle est aujourd'hui - découvre émerveillé le "Wild West Show" du chasseur de bisons Buffalo Bill, spectacle mettant en scène un Far West romantique qui fait alors fureur à Paris.
- Johnny Hallyday, cowboy flamboyant -
Après le spectacle, il fait la connaissance de Joë Hamman, jeune Français embauché par le show en tant qu'acteur, cascadeur et cavalier, ainsi que connaisseur des Indiens sioux qu'il a rencontrés aux Etats-Unis.
De Baroncelli invite le jeune acteur et le réalisateur Jean Durand à venir tourner de courts films en Camargue à partir de 1911, avec pour décor le village des Saintes-Maries-de-la-Mer, et pour figurants les gardians et les manades du marquis. Et toujours les chevaux blancs camarguais, devenus symbole de la région dans le monde.
"Dans ces films se cache une revendication: la France veut prouver qu'elle aussi a son +Far West+, qu'on devrait plutôt dire +Far South+", analyse dans l'ouvrage à paraître François Amy de la Bretèque, professeur d'études cinématographiques. "Le principal apport de ces films est d'avoir introduit dans le cinéma français un sens du paysage et de la nature".
Interrompus par la guerre, les tournages reprennent de plus belle après celle-ci, sous la lumière et le ciel immense des plaines camarguaises.
"Les intrigues jouent sur les mêmes ressorts que les westerns: gardians et Gitans stéréotypés rivalisent pour les beaux yeux d'une Arlésienne", écrivent Laure Marchis-Mouren et Estelle Rouquette, le tout "sur fond de terre sauvage où la liberté fait droit".
C'est en 1963 que la Camargue sert de décor au film "D'où viens-tu Johnny ?" avec Johnny Hallyday et Sylvie Vartan. "Johnny Rivière" y campe un chanteur yéyé parisien qui, mêlé contre son gré à une affaire de drogue, fuit les truands à ses trousses en Camargue où il se trasfrme en flamboyant cowboy chantant, santiags aux pieds.
"C'est par ces premiers films entre autres que s'est constituée une iconographie, que l'on retrouve aujourd'hui (...) dans les images de Poutine ou Sarkozy à cheval", dit Sam Stourdzé.
Depuis 2012, le collectif de cinéphiles et artistes marseillais Oaïstern (de "oaï", le "bordel" en marseillais) s'attèle à dépoussiérer ces courts-métrages muets des débuts, lors de ciné-concerts blues et déjantés.
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