L'attentat de lundi, revendiqué à la fois par une faction talibane et par les jihadistes du groupe Etat islamique, semble avoir visé les professionnels du droit, petite communauté très unie à Quetta.
La bombe a été déclenchée dans un hôpital où l'assassinat du bâtonnier de la province, quelques heures plus tôt, avait attiré de nombreux confrères en deuil, fauchant de nombreuses victimes en costume-cravate.
"Nous avons perdu tous nos dirigeants", se désespère Attaullah Langov, ancien secrétaire de l'association du barreau du Baloutchistan, déplorant "un vide qui ne sera jamais comblé de notre vivant".
Au Baloutchistan, la plus vaste et la plus pauvre des provinces du pays, de nombreux groupes armés islamistes, confessionnels ou séparatistes sèment la violence, les autorités civiles sont perçues comme corrompues et l'armée accusée d'exactions.
La zone reste un trou noir pour l'information, la presse internationale n'y ayant quasiment pas accès, tandis que les journalistes locaux exercent dans des conditions particulièrement difficiles. Douze d'entre eux y ont été tués depuis 2008 selon Amnesty International, sans compter ceux qui ont trouvé la mort dans l'attentat de lundi.
D'importants investissements chinois visant à établir une liaison routière et énergétique entre l'ouest de la Chine et la mer d'Arabie, via le Baloutchistan, ont accentué la pression, le chantier étant devenu un enjeu de taille pour l'armée et une cible pour les séparatistes.
Dans ces conditions, les avocats jouent un rôle important pour dénoncer les abus.
Les avocats sont régulièrement pris pour cible au Pakistan, lors d'assassinats ciblés ou d'attaques à petite échelle.
Mais l'attentat de lundi, dont la majorité des victimes sont des avocats, est la première tuerie de cette ampleur pour la profession.
- Société civile fauchée -
Parmi les victimes, plusieurs étaient des acteurs de poids de la société civile du Baloutchistan.
L'avocat Sunghat Jamaldini était membre de la Commission des droits de l'Homme du Pakistan, une organisation indépendante très active, entre autres sur la question des disparus au Baloutchistan.
Des organisations internationales de défense des droits de l'Homme dénoncent depuis des années les exactions au Baloutchistan des forces de sécurité, accusées d'avoir fait "disparaître" des milliers de personnes, notamment des militants séparatistes non violents. L'armée, qualifiant les séparatistes de "terroristes", réfute régulièrement ces accusations.
Me Jamaldini, membre actif du barreau et fils d'un sénateur, s'est aussi battu pour les droits des femmes, bataille de longue haleine dans ce pays conservateur et patriarcal.
Le jeune avocat Adnan Kasi, qui avait passé son barreau à Londres au début des années 2000, était quant à lui devenu le plus jeune dirigeant de la Faculté principale de droit de Quetta, où il avait introduit plusieurs mesures visant à éradiquer le népotisme et la tricherie.
Il avait fondé son propre cabinet, exerçait à la Cour suprême et s'était porté candidat pour devenir secrétaire du barreau lors d'élections prévues mi-août.
De son côté, Baz Mohammad Kakar avait été l'un des premiers avocats baloutches à faire allégeance à l'ancien Juge en chef Iftikhar Mohammad Chaudhary. Ce dernier était la figure de proue d'un mouvement, en 2007-2009, qui a obtenu la restauration de juges destitués par l'ancien dictateur militaire Pervez Musharraf, qui tentait ainsi de rester au pouvoir.
Me Kakar avait été le chef de file très actif de ce mouvement pro-démocratique pendant deux ans.
Parmi les victimes se trouvaient aussi plusieurs journalistes, dont Mahmoon Hamdard. Issu d'une famille modeste, cet ancien garde avait été employé pour assurer la sécurité de la chaîne de télévision du groupe Dawn, où il s'était pris de passion pour le journalisme: il avait entrepris des études et était devenu caméraman.
Il avait épousé, selon la tradition, sa belle-soeur après le décès de son frère aîné. Il avait la charge de sept enfants: les siens et les quatre de son frère.
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