L'ex-Premier ministre David Cameron, qui a démissionné après le vote du 23 juin en faveur d'un départ de l'Union européenne, avait fait des relations avec la Chine un axe central de sa politique économique.
En octobre 2015, Londres déroulait le tapis rouge au président chinois Xi Jinping, cherchant à attirer des investissements bienvenus en période d'austérité. Energie, immobilier et transports, les besoins sont en effet criants au Royaume-Uni dans le domaine des infrastructures, particulièrement dans le nord que le pouvoir central cherche à développer.
David Cameron affirmait alors que la Grande-Bretagne serait "le meilleur partenaire occidental de la Chine", et selon le gouvernement britannique, les accords signés pendant cette visite d'Etat ont atteint 40 milliards de livres (47 milliards d'euros).
La Chine s'était à l'époque engagée à financer, par le biais de l'entreprise publique CGN, un tiers du projet géant de construction de deux réacteurs nucléaires de type EPR par le groupe français EDF à Hinkley Point, dans le sud-ouest de l'Angleterre, d'un montant total de 18 milliards de livres.
Mais à peine le feu vert du conseil d'administration d'EDF donné le 28 juillet après des années de discussions, Londres a surpris en prévenant qu'il devait encore l'"examiner avec soin" et qu'il ne rendrait sa décision finale qu'au début de l'automne.
Or, à l'heure où le Royaume-Uni, sur le chemin d'une sortie de l'Union européenne, va devoir chercher de solides alliances commerciales hors de l'Union, ce retard pourrait porter un coup à ses relations avec la Chine, deuxième puissance économique mondiale.
Le gouvernement britannique "a créé un problème", estime le professeur Kerry Brown, directeur de l'institut Lau China Institute au King's College London. "Plus nous serons ouverts aux relations commerciales en ce moment, mieux cela vaudra".
- Craintes pour la sécurité -
La presse officielle chinoise s'est inquiétée en affirmant que ce retard "ajoutait des incertitudes à +l'âge d'or+ des relations entre la Chine et le Royaume-Uni".
Du côté britannique, le projet de Hinkley Point suscite de nombreux doutes: sur son rapport qualité-prix, son impact environnemental mais aussi les potentiels risques en termes de sécurité énergétique liés à la participation des Chinois, dont c'est le premier investissement dans un secteur aussi stratégique et sensible d'un grand pays occidental.
Alors que les intentions de Theresa May, arrivée aux commandes du pays le 13 juillet, sont encore incertaines, son chef de cabinet, Nick Timothy, avait déjà par le passé exprimé des réticences.
Selon lui, il est "incompréhensible" que le Royaume-Uni ait accepté des investissements chinois compte-tenu des risques en matière de sécurité industrielle.
Pour lui, la Chine serait à même d'introduire des failles dans les systèmes informatiques britanniques, "qui lui permettraient d'interrompre la production énergétique" si elle le voulait. "Aucun accord commercial ou investissement, aussi important soit-il, ne peut justifier de laisser à un Etat hostile un accès facile aux infrastructures les plus sensibles du pays", avait-il écrit dans un blog l'année dernière.
Pékin ne "peut pas tolérer" les accusations selon lesquelles ses investissements menaceraient la sécurité nationale du Royaume-Uni, a rétorqué l'agence Chine Nouvelle.
La presse britannique a de son côté accueilli avec soulagement le report du projet. Bien que la nouvelle constitue "une entorse aux relations diplomatiques", elle va "dans la bonne direction" en raison des risques financiers et sécuritaires, a estimé l'hebdomadaire The Observer.
Pour Kerry Brown, si Pékin devrait pouvoir comprendre la "prudence initiale" du nouveau gouvernement britannique, l'attitude de la Chine risque de changer si le projet est finalement abandonné.
"Ils interprèteront cela comme un signe que les relations entre la Chine et le Royaume-Uni sont redevenues méfiantes, et retomberont dans le travers d'un manque de confiance l'un envers l'autre", remarque-t-il.
A l'heure où le nouveau gouvernement britannique s'affranchit d'une bonne partie de l'héritage de David Cameron, avec notamment une nouvelle stratégie industrielle à définir, les relations économiques avec Pékin pourraient souffrir.
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