Dans une cave voutée qui tient lieu de bureau à Paris, un maillot git sur une grande table à tréteaux, attendant d'être découpé, renforcé et réincarné en sac de sport.
"Un client, qui ne s'en sert plus, vient de l'apporter pour garder un souvenir de ses années sportives" d'amateur, explique à l'AFP le fondateur de 1Bag1Match, Alexandre Shettle, 34 ans.
Le jeune entrepreneur récolte aussi des "paillettes": des maillots prestigieux portés par des professionnels. Parmi eux, Yoann Gourcuff (Stade Rennais), qui a fait recycler l'un de ses maillots pour "l'offrir à sa femme", Clément Grenier (Olympique Lyonnais) et Henry Chavancy (Racing Metro).
Mais la plupart des 10 à 12.000 maillots collectés en 2015 proviennent de neuf centres de tri dispersés sur le territoire pour cibler toutes disciplines. Sud-Ouest pour le rugby, Ile-de-France pour le football, Bretagne pour le cyclisme etc...mais aussi cricket, handball etc.
Les critères de récupération sont stricts et dans l'idéal, "le maillot doit être propre, de taille adulte avec un numéro en velours et un flocage intéressant".
Un tricot dont 30% de la surface est abîmée restera au rebut.
Celui qui a commencé par acheter des maillots sur le site de petites annonces leboncoin, reçoit désormais des invendus de clubs italiens, espagnols ou même britannique pour les métamorphoser en besaces ou autres housses de tablettes, trousses et pochettes.
Ne pouvant suivre le rythme pour tout recycler, il a créé une sorte de "eBay" du maillot pour y vendre les plus beaux en l'état.
De 60.000 euros de ventes la première année pour 1Bag1Match, il a doublé son chiffre d'affaires en 2015 et "doit dépasser les 200.000" pour dégager un résultat net à l'équilibre sur l'exercice en cours.
La moitié de son activité est liée "à des projets vendus aux clubs, fédérations et sponsors", le reste aux particuliers.
Les grands événements sportifs sont donc toujours une aubaine. Cela a été le cas pour la Coupe du monde de rugby mais "on n'a pas réussi à faire la différence à l'Euro-2016" de football, faute de partenariats, déplore M. Shettle.
Le prix des articles (de 79 euros à 269 euros pour du sur-mesure) constitue l'un des freins au développement de la jeune pousse créée en 2013 et qui produit à 90% en France.
Pour se lancer, Alexandre Shettle s'est associé à un copain de promo HEC, Erwann Goullin, qui dirige la société 727 Sailbags, spécialisée dans le recyclage de voiles. Une activité dans laquelle s'est fait connaître aussi la société Les Toiles du Large à La Ciotat.
- "Faire du volume" -
Les deux amis partagent un concept fondé sur le même principe: à l'intérieur des objets réincarnés, des fiches authentifient leur pedigree (nom du sportif, compétition, score).
Dans une vie antérieure, abats-jour, poufs, corbeilles, maillots de bain, housses d'ordinateurs, transats, ceintures, portefeuilles, tous haut de gamme, ont pour certains vogué sur la route du Vendée Globe, d'autres sur celle de la Coupe de l'America. Des traces de rouille témoignent de leur périple.
"On a les voiles et l'outil industriel", il faut désormais "faire du volume", souligne Erwann Goullin dans l'une de ses cinq boutiques très design, arborant un sac taillé dans les voiles du navigateur disparu en mer en 1998, Eric Tabarly.
Ses boussoles: le rythme de croissance de 5 à 10% par an et la multiplication en vagues successives des points de vente à Bayonne, Saint-Jean-de-Luz, Antibes et Nice.
Ses espoirs de conquêtes: qu'un quart des 400.000 m2 de voiles jetées soient transformées et que les ventes atteignent 10 millions d'euros en 2019.
Loin de la mer, à Chamonix, d'autres voiles en fin de vie prennent un autre envol. Valérie Pache vient de terminer sa première collection de robes de mariées et de cérémonies en toile de parapentes et parachutes.
"Je suis prête à chercher un financement à partir de septembre et proposer ma collection aux distributeurs", dit à l'AFP la créatrice qui récupère les toiles auprès de la fédération française de parachutisme et de particuliers.
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