Fin août, il aura 104 ans. Il reçoit chez lui, à Lyon, armé de cahiers remplis de photos et de coupures de presse. Sur son bureau: une BD récente sur son ami Tola Vologe, athlète juif tué par les Allemands à Lyon en 1944.
D'une vivacité d'esprit incroyable, Tony Bertrand n'hésite pas à ironiser sur son fauteuil roulant: "il faudrait couper le bonhomme en deux car en bas, plus rien ne fonctionne".
Derrière lui, la sculpture d'un lanceur de disque. Il manque juste une photo d'Olympie en Grèce pour parfaire le décor d'un homme dont le destin s'est écrit au rythme des Olympiades.
1948. Enfin des JO après la guerre, dans un Londres encore dévasté. "Les organisateurs étaient obsédés par les coûts". Beaucoup de Britanniques s'offusquaient d'ailleurs de la tenue d'une compétition, considérée comme du gaspillage en pleine reconstruction.
Alors on fait avec "les moyens du bord". Les délégations doivent apporter leur nourriture mais "sur place, grosse difficulté pour nous: le vin était bloqué à la douane", plaisante-t-il.
On était loin des cérémonies réglées comme du papier à musique. A Rio, "on sait que Teddy Riner est le porte-drapeau. Nous à Londres, quand on s'avance sur la piste pour la cérémonie d'ouverture on se rend compte qu'on a oublié les drapeaux à l'hôtel. Finalement, on en a décroché un dans le stade et défilé avec lui".
Tony Bertrand est l'entraîneur de l'équipe de France d'athlétisme. A l'époque sa nomination fait scandale. "Pourquoi un Lyonnais (et non un Parisien, ndlr) se permet-il d'avoir les qualités requises pour faire un entraîneur national ?", s'indigne la presse.
Mais il fallait comprendre, qu'"avec l'arrivée des Allemands à Paris, tous les sportifs étaient venus s'installer à Lyon pendant la guerre".
A Londres, certains de ses athlètes marqueront l'histoire du sport comme la Française Micheline Ostermeyer, véritable reine de la compétition avec deux médailles d'or au lancer de poids et de disque, et une de bronze au saut en hauteur.
- Candidature de Lyon en 68 -
En 1952, il repart aux Jeux d'Helsinki. "Le CIO (Comité international olympique, ndlr) avait décidé d'attribuer les JO à la nation la plus méritante sur le plan du sport. On ne pouvait trouver meilleur pays avec un esprit sportif d'une pureté incroyable".
Quatre ans plus tard, il continuera son poste d'entraîneur à Melbourne et organisera plusieurs jeux régionaux comme ceux de la Méditerranée au Liban en 1959 ou ceux d'Afrique à Abidjan en 1961. Avant de devenir l'adjoint aux Sports du maire de Lyon, Louis Pradel. Dans ce cadre il portera en vain la candidature de Lyon pour les JO de 68, finalement attribués à Mexico.
- Résultats lamentables -
Mais pour lui, "aujourd'hui, tout a changé".
Il veut bien reconnaître une part de responsabilité. "En rentrant d'Helsinki, la représentation française a été tellement lamentable au niveau des résultats, qu'on nous a demandé une réorganisation du sport français".
"Alors on a créé le poste de conseiller technique pour chaque discipline et un conseiller par département. Désormais, plus aucun athlète ne va aux JO sans son entraîneur alors qu'à Londres on était quatre entraîneurs pour 25 athlètes !".
Avec tout ça, "c'est fini l'esprit pur. J'ai bien été obligé de suivre l'évolution, je voulais rester dans le coup. Mais personnellement je n'ai fait qu'un club dans ma vie: le LOU (Lyon Olympique Universitaire), qui à l'époque s'illustrait dans toutes les disciplines et pas seulement le rugby. On avait l'insigne de son club et on en était fier. Aujourd'hui, dès qu'un jeune sort un peu du lot, on le fait signer n'importe où. L'esprit club n'existe plus".
Il se prépare malgré tout, avec délectation, à suivre les JO de Rio même si la cérémonie d'ouverture commencera avec le décalage horaire à 23H00. Un peu tard pour lui...
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