En octobre 2014, la police fait irruption dans sa maison près de Rijeka, sur la côte adriatique, dans le nord de la Croatie. "Je savais que cela allait arriver. Quand ils ont frappé à ma porte, c'était une sorte de soulagement", dit cet homme de 38 ans.
Vingt kilogrammes de marijuana sont saisis. Il la cultivait dans son jardin pour fabriquer de l'huile destinées à apaiser les effets de la maladie.
Un an plus tard, la Croatie changeait sa législation après l'avis d'une commission d'experts, et autorisait un produit liquide à base de cannabis, contenu dans des gélules et importé du Canada. Cette décision est la conséquence directe du débat suscité dans le pays par l'arrestation de Huanito Luksetic.
Les effets bénéfiques du cannabis pour les malades atteints de cancer, du virus du sida, d'épilepsie ou de sclérose en plaques sont avancés depuis des années par associations, patients et médecins. Et plusieurs pays les ont reconnus avant la Croatie: Allemagne, Pays-Bas, Italie...
Mais si l'huile autorisée peut être vendue par les pharmacies depuis juillet sur prescription médicale, la machine judiciaire ne s'interrompt pas: Huanito Luksetic est poursuivi pour production et vente de marijuana. Le procès s'est ouvert cette année. Il risque douze ans de prison.
En 2008, Huanito Luksetic apprend qu'il est atteint d'une sclérose en plaques, maladie neurologique auto-immune évoluant par poussées, très handicapante.
Face à l'absence de réponse de la médecine traditionnelle, il cherche des réponses alternatives: il installe une ruche chez lui et s'inflige des piqûres d'abeilles, ayant lu que leur venin pouvait avoir un effet; il se fait opérer des veines.
Il se met à boiter, perd de la sensibilité, voit double, quand en 2011, il assiste à une conférence d'un Canadien, Rick Simpson, militant de la légalisation du cannabis thérapeutique.
"J'ai réalisé que la qualité de l'huile de cannabis était la clé, et qu'il allait falloir que je la fasse moi-même pour en avoir", dit-il. Après trois semaines de son traitement, le boitement et les crampes s'en sont allés, dit-il.
- 'Maltraitance à malade' -
Sa dizaine de jours de détention en fait un symbole. Il multiplie les interviews. "J'ai le droit de vivre, de me filer un coup de main sans que cela fasse de mal à quiconque", dit-il.
Il clame sa volonté de continuer à cultiver du cannabis jusqu'à la fin de ses jours et qualifie les poursuites contre lui de "maltraitance à malade".
"Sans l'indignation de Huanito contre l'injustice et sans ses appels à l'aide, rien ne se serait passé", dit Ognjen Brborovic, patron d'une commission d'experts désignée avant l'autorisation.
Le prix de ce produit, qui n'est pas remboursé par la sécurité sociale croate, les rend difficiles d'accès: entre 130 et 260 euros par mois quand le salaire moyen reste inférieur à 800 euros.
"Ces traitements sont à vie", relève Vladimir Komparic, ancien médecin et chef d'une association des malades de la sclérose en plaque.
La potion est provisoirement indisponible, les stocks ayant été rappelés après un problème de fuites de gélules. Mais selon Aisa Zanki-Zelic, une pharmacienne de Zagreb, de nombreux patients se sont manifestés. A ses yeux, ce médicament est un progrès: "Nous savons exactement quels sont les ingrédients et leur quantité."
Même s'il sait que c'est illégal, Huanito Luksetic continuera de produire son huile, de meilleure qualité, assure-t-il. Il multiplie les conférences, a lancé une association, un site internet, est en contact avec des centaines de patients.
Il affiche sa sérénité avant le verdict: "Je suis guéri et revenu à un point où je n'ai pas de symptômes". Il montre son jardin: "C'est ma santé".
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