En à peine un mois, les forces de sécurité ont abattu des centaines de personnes et arrêté des milliers d'autres sur ordre du nouveau président Rodrigo Duterte, qui a fait de l'éradication de la drogue sa priorité numéro un.
Les détenus doivent se résigner à un long séjour dans un univers carcéral délabré, comme dans la prison de Quezon City, dans la banlieue nord de Manille, la capitale.
A 42 ans, Dimaculangan, -- un pseudonyme car son vrai nom ne peut être publié pour des raisons légales --, y croupit depuis 14 ans.
"Beaucoup de gens deviennent fous. Ils n'arrivent plus à penser. Il y a tellement de monde. Au moindre mouvement minuscule, on se heurte à quelque chose ou à quelqu'un", dit-il à l'AFP dans l'un des couloirs bondés de la prison.
Celle-ci abrite 3.800 détenus pour 800 places, et la lutte pour l'espace est sans fin.
Les détenus dorment chacun leur tour sur le sol fissuré d'une cour de basket extérieure, sur les marches des escaliers, dans des hamacs de fortune, sous les lits.
Le gouvernement consacre quotidiennement à chaque détenu seulement 50 pesos (environ un euro) en nourriture et cinq pesos (environ 10 centimes d'euros) en médicaments. Malgré tout, grâce aux achats en gros, le régime alimentaire -- soupe, légumes et viande -- est correct.
-Conditions impensables-
Des seaux d'eau sont utilisés comme chasse dans les rares WC et l'odeur est aggravée par celle de légumes qui pourrissent dans un canal proche.
Raymund Narag, spécialiste de justice pénale à la Southern Illinois University, aux Etats-Unis, dit que de telles conditions sont impensables en Occident.
"Si cela se passait en Amérique, il y aurait des émeutes chaque jour. Le Congrès déclarerait que ces prisons sont indignes des êtres humains", dit-il à l'AFP.
D'après l'Institut pour la recherche sur les politiques pénales de l'Université de Londres, le système carcéral philippin est le troisième plus surpeuplé au monde.
Il y a en moyenne près de cinq fois plus de détenus que de places, selon les chiffres du gouvernement de l'archipel. Et la situation pourrait s'aggraver rapidement.
Car depuis l'entrée en fonctions de M. Duterte le 30 juin, plus de 4.300 trafiquants ou usagers de drogue présumés ont été arrêtés, selon la police.
-Lenteurs de la justice-
Quezon City accueille des détenus pour la plupart en cours de procès. Depuis la victoire de M. Duterte, il y a 300 détenus supplémentaires.
"S'il n'y a pas de nouvelles prisons, de tribunaux et de procureurs supplémentaires, le système va exploser. Il y aura une crise humanitaire", avertit l'ex-détenu Raymund Narag, 41 ans.
A l'âge de 20 ans, en 1995, il avait été accusé du meurtre d'un étudiant et détenu à Quezon City. Il lui avait fallu attendre sept ans pour être acquitté par la justice, ce qui correspond à la moyenne de la détention provisoire aux Philippines.
Mario Dimaculangan, lui, est le plus ancien détenu de Quezon City. Il a été inculpé du meurtre et du vol d'un membre de la famille d'un homme politique en 2001. L'homme assure avoir la "conscience tranquille" et se dit innocent, mais l'affaire est toujours en cours. Il comparaît en moyenne une fois par an.
Les Philippines sont connues pour leur système judiciaire chaotique, leur manque chronique de juges, d'avocats commis d'office et de salles de tribunal.
Dimaculangan explique qu'au début, il avait de l'espoir quand il était informé d'une date d'audience. Mais de reports en renvois, il a été déçu trop de fois.
"Maintenant, quand ils disent que j'ai une audience, je m'en fiche".
Sans espoir d'être libéré, il compte sur sa foi catholique.
"Mon but c'est d'aider mes camarades détenus. Dieu ne m'a pas envoyé ici parce que je suis un voleur. Mais combien y a-t-il de voleurs dehors et pourquoi ne sont-ils pas en prison?".
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