Au moment où démarrait dimanche une manifestation à l'appel du principal parti d'opposition, l'ONG Amnesty International affirmait avoir réuni des "preuves crédibles" attestant de tortures, et même de viols, de personnes détenues en Turquie après la tentative de coup raté.
C'est le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate et laïc) qui avait appelé à ce rassemblement. S'y était rallié le parti islamo-conservateur de Recep Tayyip Erdogan (AKP), dont les partisans descendent par dizaines de milliers dans les rues chaque soir.
Mais place Taksim, à Istanbul, dominaient bien les portraits de Mustafa Kemal Atatürk, père de la République et figure tutélaire des militants du CHP. "Nous défendons la République et la démocratie", "Non au coup d'Etat, oui à la démocratie", proclamaient des pancartes.
Car au-delà du rejet des putschistes, de nombreux Turcs ont exprimé dimanche leur inquiétude après l'instauration de l'état d'urgence, ainsi que leur opposition à M. Erdogan.
Lundi, le président et son Premier ministre Binali Yildirim doivent d'ailleurs rencontrer Kemal Kiliçdaroglu, chef du CHP, et Devlet Bahceli, chef du Parti de l'action nationaliste (MHP), pour discuter de la tentative de coup d'Etat et de ses conséquences.
Le rassemblement de dimanche est intervenu huit jours après la tentative de coup d'Etat qui a fait au moins 270 morts et déclenché des purges massives dans l'armée, la justice, l'enseignement et les médias par un pouvoir turc totalement pris par surprise.
C'est la première fois que pouvoir et opposition en appelaient ensemble au peuple depuis le putsch raté.
- Coups, torture et viols -
L'immense esplanade de Taksim est traditionnellement le théâtre des grandes luttes pour la démocratie. Ironiquement, elle a été le siège en 2013 de violentes manifestations qui avaient ébranlé le pouvoir du président Erdogan.
Mais dans une tribune publiée par le quotidien Habertürk, le Premier ministre a assuré que "la République turque (était) plus forte que jamais". "La Turquie veille sur la démocratie dans tout le pays", a-t-il dit, "cette veille continuera tant que les éléments antidémocratiques n'auront pas été purgés".
Mais Amnesty International a ajouté de nouvelles préoccupations quant à la brutalité de la purge, en indiquant disposer d'informations crédibles selon lesquelles "la police turque à Ankara et Istanbul maintenait des détenus dans des positions douloureuses pendant des périodes pouvant aller jusqu'à 48 heures".
L'ONG a également évoqué des privations de nourriture et d'eau, injures, menaces et, "dans les cas les plus graves", des coups, des viols et l'usage de la torture.
- Washington mis en cause -
M. Erdogan avait balayé samedi les critiques de l'Union européenne sur le sujet. Ce que disent les responsables européens "ne m'intéresse pas et je ne les écoute pas", a-t-il lancé.
Il a averti que la riposte ne faiblirait pas contre les partisans du prédicateur Fethullah Gülen, exilé aux Etats-Unis et accusé par Ankara d'avoir ourdi le coup d'Etat. La Turquie doit demander formellement son extradition à Washington, que le ministre de la Justice Bekir Bozdag n'a pas hésité dimanche à mettre en cause. "L'Amérique sait que Fethullah Gülen est derrière ce coup", a-t-il déclaré.
Dernières mesures en date, la Turquie, où l'état d'urgence a été instauré jeudi pour la première fois en 15 ans, a porté de quatre à 30 jours la durée des gardes à vue et a dissous plus de 2.000 institutions.
Plus de 13.000 personnes ont été placées en garde à vue et 5.800 sont en détention.
Dans ce coup de balai inédit depuis l'arrivée au pouvoir de M. Erdogan en 2003, ont été fermés plus de 1.000 établissements d'enseignement, 15 universités, plus de 1.200 associations ou fondations et 19 syndicats.
Seule note d'apaisement de l'après-coup d'Etat, 1.200 militaires du rang ont été élargis.
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