La fréquentation (95% contre 93% en 2015) n'a pas pâti de l'attentat du 14 juillet. Le Festival a comptabilisé 167.000 entrées au total, en comptant les débats et expositions (120.000 pour les seuls spectacles), contre 161.457 entrées l'année précédente.
- Visionnaire -
En ouverture, le rituel de mort des "Damnés", mis en scène par le Flamand Ivo van Hove avec la Comédie-Française, qui décrit la descente aux enfers d'une grande famille d'industriels dans l'Allemagne nazie, avec un simulacre de fusillade du public en point d'orgue, a glacé d'effroi les spectateurs.
Et ce n'est pas la pièce visionnaire de l'Autrichien Thomas Bernhard qui pouvait les réconforter. Alors que l'Autriche doit choisir le 2 octobre entre un président d'extrême droite ou un écologiste, "Place des héros", publié en 1989, a dressé le portrait acide d'un pays qui n'a pas réglé ses comptes avec le passé. "Il y a aujourd'hui plus de nazis à Vienne qu'en 1938", clame le dramaturge. "Ça ne finira pas bien, il n'y a pas besoin d'une intelligence particulière pour le comprendre", dit un des personnages.
"L'art doit devancer l'actualité", estime sobrement son metteur en scène, le Polonais Krystian Lupa. "Lorsque des choses dangereuses se passent dans nos pays, c'est le devoir de l'artiste de protester, de partager ses intuitions."
Dans "Tristesses", la Belge Anne-Cécile Vandalem a raconté, à la manière d'un polar scandinave, la prise de pouvoir cynique d'une dirigeante d'extrême droite au Danemark.
Au moment où l'attentat de Nice faisait 84 morts, la pièce "20 novembre", mise en scène par la Suédoise Sofia Jupither, décrivait minutieusement la confession devant caméra d'un jeune homme qui s'apprête à commettre un massacre.
- Vidéo omniprésente -
La vidéo a pris souvent le pas sur le théâtre. Dans "Les Damnés", elle fouille la psychologie des personnages. "C'est de la réalité augmentée", dit Eric Ruf, le patron de la Comédie-Française.
Julien Gosselin en a fait une composante à part entière de son spectacle marathon (douze heures) "2666", adapté de l’œuvre-monde du Chilien Roberto Bolaño et très applaudi.
La vidéo était documentaire chez le Syrien Omar Abusaada ("Alors que j'attendais") et poétique chez l'Iranien Amir Reza Koohestani ("Hearing"). Dans ce focus Moyen-Orient du festival, le chorégraphe libanais Ali Chahrour a choisi d'explorer la mort et les rituels des "pleureuses".
- Théâtre de tréteaux -
Olivier Py, critiqué l'an dernier pour son "Lear" dans la Cour d'honneur, a donné une "petite" pièce en itinérance autour d'Avignon, sans décor ni costume, portée par les seuls acteurs, "Prométhée enchaîné".
Le théâtre de tréteaux joyeux de la Piccola Familia a emballé le public chaque jour à midi pour un feuilleton sur l'histoire du festival.
- Et Dieu dans tout ça?-
Comment vivre sans Dieu? C'est la question lancinante que pose Dostoïevski dans "Karamazov", adapté en cinq heures par Jean Bellorini. Son théâtre expressif, sans vidéo, mais avec chansons, musique et décors mobiles, a enthousiasmé particulièrement les jeunes.
Dans "Le radeau de la méduse", Thomas Jolly a mis en scène la dérive d'un canot, où 13 jeunes enfants ont trouvé refuge. La foi rigide d'Anna, 12 ans, la conduira à sacrifier un autre enfant pour conjurer la malédiction biblique qu'elle croit voir dans ce chiffre 13 de la Cène.
- Humour belge -
Dans un festival austère, l'humour est venu de Belgique. Le musée en délire du collectif FC Bergman, avec sa gigantesque salle des Rubens recréée à l'échelle au Palais des expositions, a enchanté le festival.
Les "Raoul Collectif", cinq trublions de la scène belge, ont fait rire avec leur parodie d'émission radio évoquant irrésistiblement "Le masque et la plume" ("Rumeur et petits jours").
Les chorégraphes belges Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet ont délivré un message de coexistence joyeuse dans la Cour d'honneur avec leur "Babel 7.16".
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