"Le suspect de Nice parle depuis la Tunisie et dit qu'il n'est pas responsable du massacre!!!!", affirme une vidéo postée sur Youtube par "Orlando USA". Sur ce film de 41 secondes, un homme, vraisemblable homonyme du tueur mais qui ne lui ressemble en rien, affirme, en arabe, n'avoir rien à voir avec la tragédie.
Pourquoi Mohamed Lahouaiej Bouhlel a-t-il laissé ses papiers dans le camion qui a fauché des centaines de personnes, en tuant 84? Pourquoi un "homme en beige" apparaît-il "dans plusieurs vidéos" alors que des policiers abattent le tueur? Un deuxième homme était-il dans le poids lourd? Réponses: "curieux", "complot".
Il y a ce témoin allemand ayant filmé le début du carnage, qui est, d'après Panamza.com, un site phare de la sphère conspirationniste, "lié à Israël". Les images deviennent alors "troublantes", les "coïncidences" moquées, les conclusions suggérées. "Que chacun déduise ce qui lui convient le mieux!", lance un lecteur.
Attentats de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher, 13 novembre, Bruxelles, Nice... A chaque tragédie ses théories complotistes.
Huit mois après le bain de sang du Bataclan (90 morts), "je reçois cinquante messages pour me dire qu'il ne s'est rien passé, ou que ça s'est passé autrement", peste Emmanuel Domenach. "Certains nous disent que c'est le Mossad, d'autres que la France a laissé faire", explique ce vice-président de l'association de victimes "13 novembre: fraternité et vérité", à qui les théories du complot "filent la gerbe". "Ça a énormément affecté les victimes", dit-il.
- "Mannequins" -
La photo des corps gisant dans la salle de spectacle parisienne, qui a un temps envahi le net, a fait dire à certains que leurs postures étaient "suspectes" et qu'il devait s'agir de "mannequins", s'insurge Vincent, une autre victime du Bataclan. "Il y a des gens qui ont perdu des proches à qui l'on a dit: +votre mari ou votre femme vivent sur une île déserte, payé(e) par l'Etat+", s'indigne-t-il.
La "machine conspirationniste" s'est "emballée" avec internet et tourne "frénétiquement", "au mépris de toute vraisemblance", remarque Emmanuelle Danbon, qui a coécrit en 2010 "Les Rhétoriques de la conspiration". Et de citer en exemple la thèse de la mort de Paul McCartney qu'un sosie incarnerait depuis des décennies.
Les attentats, de par leur charge symbolique et leur portée politique, génèrent "immédiatement" leur "réinterprétation complotiste", décrypte Rudy Reichstadt, directeur et fondateur du site Conspiracy Watch. S'il y a des images des attaques, elles deviendront "louches" et s'il n'y en a pas, "c'est considéré comme suspect".
Gérald Bronner, auteur de "La Démocratie des crédules", évoque un "mille-feuille" d'indices, "assez faibles" individuellement mais qui, réunis, "créent une théorie divergente". Pour critiquer "le système" qu'incarnent "l'oligarchie", "l'élite", "les médias", mais aussi "le sionisme" ou "le péril musulman", énumèrent les chercheurs.
Les "conspirationnistes professionnels", qui influencent la masse, ont tous des "agendas politiques", affirment-ils.
Aux Etats-Unis, des théoriciens du complot, pro-armes, expliquent après chaque fusillade que des "acteurs" sont mis en scène par l'administration Obama pour faire passer une législation plus restrictive sur les armes à feu, explique Rudy Reichstadt.
En France, "les idéologues" évoluent "un peu plus" à l'extrême droite qu'à l'extrême gauche, ajoute-t-il.
- "Radicalisation des esprits" -
"Leurs thèses constituent une plate-forme pour la radicalisation des esprits", constate Gérald Bronner.
Sur la page Facebook de Larossi Abballa, tueur d'un policier et sa compagne à Magnanville, une fresque disséquait l'emblème de l'Euro-2016, y pointant une "croix cassée", un "pentagramme" ou encore un "compas et une équerre", autant de symboles que les conspirationnistes assimilent à la franc-maçonnerie ou au satanisme.
"On a déjà la trouille que Daech (l'organisation jihadiste Etat islamique) vienne finir le travail. Si on ajoute les fanatiques d'extrême droite, qui ne valent pas mieux, c'est dur", se lamente Vincent.
Un cadre d'une association de victimes du 13 novembre, qui souhaite rester anonyme, déclare "ne plus pouvoir compter" le nombre de messages "horribles" dans lesquels on lui écrit: "J'espère que la prochaine fois, Daech ne te loupera pas".
Les survivants des attaques parisiennes sont traités d'"acteurs juifs" ou d'"islamo-fascistes prêchant la bonne parole musulmane" quand ils ont simplement dit "qu'il ne fallait pas faire d'amalgame entre terroristes et musulmans", souligne-t-il.
Emmanuel Domenach, mi-juillet, se faisait encore traiter sur Twitter d'"islamo-collabo", "responsable" du 13 novembre. "Ce soir-là, vous avez battu votre record de sprint? Pas du genre à sauter sur un terroriste", ironisait son interlocuteur, derrière l'écran de son ordinateur.
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