Alors que la saison de cueillette ne doit commencer qu'à la fin juillet, les pillards se ruent en bandes depuis le début du mois dans les forêts de pistachiers du nord et de l'est où ils font des ravages. Selon le ministère de l'Agriculture, ils ont déjà illégalement récolté jusqu'à 40% des fruits, bien avant leur maturité.
L'offensive a commencé le 7 juillet au deuxième jour de l'Aïd, la grande fête qui marque la fin du ramadan, relate à l'AFP le responsable du département de l'agriculture pour la province de Samangan (nord), Rafiullah Roshanzada: "100 à 150 habitants se sont rués dans les forêts de pistachiers des districts de Hazrt Sultan et de Koh Gogird".
"Des gens ont été arrêtés, mais surtout, les pistaches cueillies n'étaient pas mûres, alors que déjà la récolte est en baisse" se lamente-t-il.
La même scène s'est répétée dans toutes les zones de production le long de la "pistachio belt" qui court de Badakhshan, au nord-est de l'Afghanistan, à Kunduz, dans le nord, jusqu'à la région de Herat dans l'ouest, frontalière de l'Iran.
"Nous avons 27 à 30.000 hectares de pistachiers dans la province de Badghis (nord) mais les forces gouvernementales ne contrôlent pas ces régions, ce sont les talibans", rapporte Hafizullah Benish, directeur du département d'agriculture.
"Les talibans et d'autres puissants cueillent les pistaches avant qu'elles soient mûres et croyez-moi, elles ne vont pas bien se vendre alors qu'elles auraient pu rapporter 35 millions d'afghanis" (525.000 dollars).
"Les talibans et d'autres, ceux qui sont armés dans la province, utilisent tous les moyens pour attaquer ces forêts", dépêchant les pillards ou les rançonnant au retour, déplore également le chef du bureau du gouverneur de Badghis, Sharafuddin Majeedi. "Et ça fait des années que ça dure" relève-t-il.
Pourtant, pour enrayer l'hémorragie, "le gouvernement a interdit depuis trois ou quatre ans l'accès aux forêts de pistachiers dans onze provinces dès lors qu'on approche de la récolte", explique au Ministère de l'Agriculture Mohammad Aman Amanyar, directeur des forêts.
Braver cet interdit constitue un "crime" prévient-il, mais apparemment sans dissuader grand-monde.
Car parmi les pillards figurent aussi de pauvres gens, comme Shafi, un paysan de 32 ans dans la province de Samangan (nord), qui refuse de donner son nom mais explique à l'AFP que, "quand personne ne les arrête, les gens peuvent ainsi gagner 1.000 à 2.000 afghanis par jour" (15 à 30 dollars) - ce qui mérite d'être tenté.
- Des pistaches au bois de chauffe -
Mais M. Amanyar précise lui aussi que dans la province de Baghdis, les pistaches volées encore vertes ne se sont vendues que 400 afghanis (un peu moins de 6 dollars) le "seer" - unité de mesure d'Asie Centrale représentant environ 7 kilos. "Quand le fruit est bien mûr, c'est 1.500 à 2.000 afghanis" reprend le directeur, quatre à cinq fois plus.
"C'est beaucoup trop tôt pour la récolte... mais les insurgés ont quand même pillé 7.000 hectares, vendus sur les marchés à moins de 500 afghanis le seer" assure-t-il.
Selon lui, "la pistache est davantage visée que tout autre fruit" notamment parce qu'il s'agit de forêts naturelles, propriétés de l'Etat et non de cultures commerciales comme l'arachide, qui sont mieux protégées par leurs propriétaires.
Il y a 35 ans, avant le début des conflits qui l'ont ravagé, l'Afghanistan comptait environ 450.000 ha de pistachiers, indique-t-il. Mais avec la guerre et la misère, "40 à 50% des arbres ont disparu en bois de chauffe, ou victimes du changement climatique, de la sécheresse..."
Selon l'Organisation des Nations-Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et l'Agence de coopération américaine USAID, qui soutiennent la reforestation, la densité des forêts s'est ainsi considérablement éclaircie, passant de 40 à 100 arbres/ha en moyenne avant guerre à 20 à 40 arbres aujourd'hui.
Depuis une douzaine d'années, les efforts engagés pour reverdir le pays ont permis de replanter 9.700 ha de pistachiers, souligne M. Amanyar.
Les exportations de pistaches, vantées pour leurs qualités naturelles et biologiques, ont varié entre 500 et 1.500 tonnes de noix décortiquées au cours des 12 dernières années. En 2014, elles ont rapporté 4,2 millions de dollars au pays.
Pas de quoi se mesurer à la production d'opium qui génère, selon l'ONU, quelque 160 millions de dollars par an rien qu'en Afghanistan. Mais suffisamment pour arrondir les fins de mois des combattants.
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