Après le concert d'indignation suscité par l'accablant rapport McLaren qui a mis en évidence lundi le dopage d'Etat organisé par la Russie de 2011 à 2015, un étrange silence a saisi le sport mondial.
La très attendue réunion d'urgence de la commission exécutive du Comité international olympique (CIO) mardi n'a finalement pas tranché la question de la participation des sportifs russes aux Jeux de Rio (5-21 août).
Malgré l'imminence du rendez-vous carioca, le CIO a choisi de se donner du temps.
"Le CIO explorera les options juridiques à disposition entre sanction collective par l'interdiction pour tous les sportifs russes de participer aux jeux Olympiques 2016 et droit à la justice individuelle", a-t-il expliqué.
Sur ce point précis, il a donné rendez-vous jeudi, où il devrait y voir plus clair après le jugement du Tribunal arbitral du sport (TAS). La plus haute instance de la justice sportive doit en effet se prononcer sur la procédure lancée par les athlètes russes privés des Jeux de Rio par la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF).
Mardi, non loin du CIO, à Lausanne (Suisse), le TAS a d'ailleurs auditionné la tsarine du saut à la perche Yelena Isinbayeva, double championne olympique et porte-parole des 67 autres athlètes russes qui se sentent victimes d'une injustice.
- Silence de l'AMA -
Le TAS devra décider jeudi au plus tard si l'exclusion collective prononcée le 17 juin par l'IAAF est conforme aux règles de l'IAAF elle-même, à celles du Code mondial antidopage et à la Charte olympique.
En attendant la décision du TAS, le CIO a placé chaque fédération internationale (FI) devant ses responsabilités et répété que "la présomption d'innocence des athlètes de Russie à l'égard du dopage" ne s'appliquait plus.
"L'admission de chaque athlète russe devra être décidée par sa Fédération internationale sur la base de l'analyse individuelle des contrôles antidopage auxquels il s'est soumis au niveau international", a rappelé le CIO.
C'est sur la base de cette même procédure que l'IAAF avait rejeté les dossiers de tous les athlètes russes, excepté celui de Darya Klishina, spécialiste du saut en longueur, basée en Floride.
Aucune fédération internationale n'avait encore réagi mercredi à la "non-décision" du CIO.
De même, les comités olympiques nationaux, dont la puissante Usoc américaine, contactée par l'AFP, sont restés muets, tout comme l'Agence mondiale antidopage, commanditaire du rapport McLaren, qui avait pourtant recommandé en des termes sans équivoque la veille l'exclusion pure et simple de la Russie des JO-2016.
Les sportifs non russes, eux, observent et s'impatientent.
"On est en mode +wait and see+", a expliqué à l'AFP Adam Pengilly, l'un des membres de la commission des athlètes du CIO : "Je ne me décrirais pas comme déçu, mais comme neutre, j'attends de voir".
"La rhétorique utilisée par le CIO est forte, la volonté de prendre toutes les précautions juridiques est compréhensible, mais il y a aussi une certaine nervosité, on se demande si les actions nécessaires pour nettoyer le sport sur le long terme vont être prises", a admis le Britannique, vice-champion olympique 2006 et 2010 de skeleton.
Pour David Douillet, double champion olympique de judo (1996 et 2000), la question d'une exclusion de la Russie des JO de Rio ne peut avoir qu'une réponse : "Oui, aujourd'hui, c'est indiscutable", il faut bannir tous les sportifs russes des prochains Jeux, a affirmé le désormais député français à l'antenne de France Inter.
A Moscou, l'omniprésent ministre des Sports Vitali Moutko a espéré, lui, que "le CIO et l'Association des fédérations internationales olympiques des sports d'été prendront une décision raisonnable".
- Moutko n'ira pas à Rio -
Si les sportifs russes peuvent encore rêver de Rio, M. Moutko lui n'ira pas au Brésil. Le CIO a en effet annoncé qu'il n'accorderait "aucune accréditation aux officiels du Ministère russe des Sports ou à toute personne citée dans le rapport McLaren".
Exit donc Vitali Moutko, grand ordonnateur du système de dopage qui a permis de dissimuler plus de 600 contrôles positifs, dont certains en pleins Jeux d'hiver de Sotchi. Exit aussi Iouri Nagornykh, son adjoint, largement visé par le rapport McLaren, nommé à son poste en 2010 par Vladimir Poutine.
S'il ne s'est pas prononcé sur la participation de la Russie aux JO-2016, le CIO n'est pas resté inactif : il a décidé d'"entreprendre de nouvelles analyses, y compris de criminalistique, et une enquête approfondie sur tous les sportifs russes qui ont participé aux Jeux de Sotchi".
Il a également demandé aux fédérations internationales de sports olympiques d'hiver de geler leurs préparatifs pour les grands événements à venir en Russie, tels que Championnats du monde et Coupes du monde.
La Russie n'est donc pas encore le premier pays exclu des JO depuis l'Afghanistan des talibans, en 2000 à Sydney, ou l'Afrique du Sud de l'apartheid, mais elle est bien dans le collimateur du mouvement sportif mondial.
Le rapport McLaren est passé par là en énumérant les tricheries, comme ces résultats de contrôles antidopage falsifiés et ces échantillons positifs prélevés lors des JO de Sotchi, puis escamotés par une "trappe à souris" avec l'aide des "magiciens" du FSB, les services secrets russes.
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