Le chalet sur pilotis spécialement construit pour accueillir les ébats torrides de Zorg (Jean-Hugues Anglade) et Betty (Béatrice Dalle) avait été brûlé pour une scène du film, à la fin des trois semaines de tournage à Gruissan en octobre 1985.
"Mais on continue à nous le demander tous les jours: Où est le chalet de 37°2?", explique-t-on à l'Office de tourisme. Le film de Jean-Jacques Beineix, sorti en 1986, a représenté une "formidable explosion" de la fréquentation touristique, explique le directeur de l'office, Jean-Claude Meric. "Et ça ne baisse pas".
L'équipe de tournage avait choisi ce quartier de chalets de plage, posés face à des kms de sable fin, comme décor à la passion destructrice d'un des couples les plus mythiques du cinéma français.
"37°2 n'aurait pas pu être tourné ailleurs. On avait l'impression d'être dans des contrées lointaines, dans un pays improbable, un espace sauvage", se souvient Jean-Hugues Anglade pour l'AFP.
"Les chalets, c'est la liberté", confirme Rose-Marie Perrier, 65 ans, propriétaire d'un coquet chalet aux couleurs jaune et blanche qui flashent sous le soleil du Midi.
Sur la terrasse en plein cagnard, rafraîchie par une brise marine, les seuls bruits sont les cris des enfants qui tapent la balle sur la plage toute proche, où le marchand de glaces pousse sa roulotte de paille.
"On a ressenti un engouement après 37°2", résume Rose-Marie, qui loue le logement pour 1.200 euros la semaine environ en haute saison.
A l'intérieur, les pièces étroites sont à peine assez grandes pour accueillir un poster géant de 37°2, où s'affiche la moue lascive de Béatrice Dalle. "C'est pas le Martinez à Cannes mais bon...", lâche Rose-Marie.
- L'anti-Côte d'Azur -
"Avant, c'étaient des cabanes au ras de l'eau, faites de bric et de broc" par des vacanciers peu argentés, se souvient Rose-Marie. "Dans les années 50, mon père faisait le ramassage des ordures avec son cheval et pour l'eau, un homme passait avec une citerne. Aux équinoxes, les coups de mer inondaient tout", explique-t-elle.
La construction de la digue, en 1986, a tout changé: on a souvent construit entre les pilotis du rez-de-chaussée et le béton a eu tendance à remplacer le bois. "On a laissé faire n'importe quoi", résume Rose-Marie.
"C'est changé", regrette Jean-Hugues Anglade, qui vient régulièrement en vacances dans les chalets avec ses enfants. "Je trouve dommage qu'on ait permis de construire en dur. J'ai cette nostalgie du côté sauvage".
"Certains achètent, bétonnent et se renferment sur eux", lâche Claude Depyl, 59 ans, président de l'Association de protection des intérêts collectifs et du cadre de vie des chaletains de Gruissan-Plage (Aspicg, 300 adhérents).
"Avant, c'était un tourisme populaire et convivial. Maintenant, beaucoup partent à la recherche de Boboland. Certains chalets se vendent 200, 300 voire 400.000 euros", met en garde M. Depyl, qui se dit "contre la spéculation immobilière". "Il ne faut pas que ça devienne la Côte d'Azur".
Un règlement municipal de 1994 a mis le holà, interdisant notamment de construire au rez-de-chaussée et d'utiliser autre chose que le bois en façade. Mais le règlement est souvent ignoré, regrettent beaucoup de chaletains.
"On a freiné les transformations", reconnaît l'ethnologue James Jacquelin, auteur d'une vaste étude sur les chalets. Selon lui, seule "une cinquantaine" d'entre eux sont encore authentiques, sur un total de 1.250.
Pour aller plus loin, la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) a demandé au spécialiste de sélectionner "cinq ou six chalets représentatifs pour une éventuelle protection en tant que monuments historiques", ce qui pourrait être mis en place dans un an.
"C'est une très bonne idée", estime Jean-Hugues Anglade. "Je ne suis pas pour qu'on sanctuarise mais pour une forme de protection, pour être sûr que cela perdure".
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