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Istanbul (AFP). Petits boulots à Istanbul pour de jeunes Syriens qui rêvaient en grand à Damas

Réceptionniste dans un institut de langue, serveur de restaurant, coiffeur ou vendeur de pâtisseries: ces Syriens ont la vingtaine, ont abandonné leurs rêves à Damas et doivent se reconstruire, seuls, à Istanbul.

Istanbul (AFP). Petits boulots à Istanbul pour de jeunes Syriens qui rêvaient en grand à Damas
Dans le quartier de Fatih à Istanbul, le 4 juillet 2016, des affiches en arabe pour les réfugiés syriens - AFP

Malgré la chaleur moite de juillet et le jeûne de cette fin de ramadan, les magasins et échoppes du district de Fatih - un ensemble de quartiers densément peuplés d'Arabes de différentes nationalités - au coeur d'Istanbul, ne désemplissent pas.

Des étalages posés à même la rue se dégagent des effluves de savons d'Alep, d'épices et de pâtisseries aux pistaches ou aux amandes venues tout droit de Syrie.

Rafic empile délicatement un kilo de baklavas dans une jolie boîte en carton sur laquelle on peut lire "Helwayat al Châm" (douceurs de Damas, en arabe). "C'est moi qui ai créé le logo du magasin et des emballages", dit le jeune homme de 27 ans en racontant timidement à quel point il aimait son métier de sculpteur sur bois à Damas.

"Je me suis toujours battu pour faire les études que je voulais, j'étais passionné et rien ne pouvait me détourner de l'art et de l'artisanat", dit-il fièrement. Mais c'était sans compter avec la guerre qui a ravagé la Syrie à partir de 2011 et le recours aux réservistes de l'armée.

A Damas où il a grandi, la vie de Rafic n'était pas spécialement en danger. "Ce ne sont pas les bombes que j'ai fuies, mais la possibilité d'être celui qui lance les bombes".

Un peu plus loin dans la rue, assoupi sur une table du restaurant où il travaille, Ahmad se repose avant l'arrivée des premiers clients à l'heure de la rupture du jeûne. Le serveur de 24 ans vit à Istanbul depuis deux ans.

"Mes parents ont tout donné pour que je puisse faire des études de comptabilité, et je me retrouve aujourd'hui loin d'eux, dans un pays dont je ne maîtrise pas la langue et comme garçon à tout faire dans un restaurant", soupire-t-il, le regard triste.

"Mais je ne me plains pas, j'avais le choix entre la guerre et l'exil, et je n'ai pas hésité".

Ahmad travaille tous les jours de la semaine, du matin au soir, et gagne 900 livres turques (300 euros environ) par mois. Il doit partager son appartement pour faire face au loyer de 1.200 livres (400 euros environ). "Avec trois autres Syriens que je ne connaissais pas", précise-t-il.

- 'On n'a plus de pays' -

La Turquie a accueilli 2,7 millions de Syriens depuis le début du conflit et 350.000 d'entre eux vivent à Istanbul. Samedi, le président Recep Tayyip Erdogan a annoncé que le gouvernement travaillait sur un projet qui permettrait aux réfugiés syriens d'obtenir la nationalité turque.

Nour, 26 ans, est arrivée seule à Istanbul il y a quelques mois, depuis l'aéroport de Beyrouth.

"Je suis consciente d'avoir plus de chance que beaucoup de mes compatriotes qui habitent sous des tentes ou font la manche dans la rue, mais ce n'est pas pour autant que je suis heureuse ici", confie-t-elle, la voix brisée.

Environ 10% des Syriens en Turquie vivent dans une dizaine de camps de réfugiés du pays.

La jeune femme reste vague sur les raisons qui l'ont poussée à laisser derrière elle "famille, travail et amoureux", évoquant simplement "des raisons idéologiques".

Elle travaille à l'accueil d'un institut de langues fondé par un Syrien. "Ici je me sens utile pour mes compatriotes. Comme notre pays ne peut plus rien nous offrir, il faut s'adapter aux Turcs qui nous accueillent et apprendre leur langue".

"Nos étudiants sont principalement de jeunes Syriens de 20 et 30 ans, ils sont très motivés et en moins de six mois ils arrivent à se débrouiller correctement en turc", dit-elle fièrement.

Maher, un coiffeur de 29 ans, a lui appris le turc sur internet. "C'est gratuit et tout aussi efficace, quand on est motivé on peut tout faire".

"A Damas, j'avais mon salon, ici je suis employé", soupire-t-il. "Ce n'est pas exactement l'avenir auquel j'aspirais et j'espère un jour pouvoir rentrer chez moi".

Rafic, le vendeur de pâtisseries, ne croit plus en un avenir en Syrie. "En 1948 les Palestiniens pensaient revenir chez eux au bout de quelques jours, regardez où ils en sont aujourd'hui".

"On n'a plus de pays", dit-il froidement, en tendant un paquet de gâteaux à une vielle dame.

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