"Je sais bien que ce n'est pas dû qu'au bac, mais le médecin m'a diagnostiqué une hernie le premier jour des épreuves", raconte, un peu confuse, Anne Garnier, dont le fils aîné, Pierre, passait un bac scientifique à Paris. "Je ne dors pas bien. Et quand je me réveille, je pense à ça. J'ai confiance mais... je suis aussi dans le doute."
Et l'angoisse va remonter d'un cran à l'approche de la date fatidique des résultats, mardi, anticipe-t-elle. Son fils? "Il est serein. Je suis assez étonnée."
A Toulouse, Marie Etcheverry confesse se rendre parfois sur le site de l'académie, dans l'hypothèse (peu probable) que les résultats soient affichés par erreur avec plusieurs jours d'avance.
Pendant la semaine d'examens, elle "a tenté de rassurer" sa fille, Emma, en terminale littéraire. "J'ai essayé de prendre sur moi, en positivant, même si je n'étais pas toujours convaincue des arguments que je lui avançais", dit-elle. "Je lui répétais que puisqu'elle avait travaillé, il n'y avait pas de raison qu'elle se plante complètement. Mais moi, à son âge, j'ai planté la philo alors que j'avais bossé..."
"Bien qu'on le présente comme un diplôme dévalorisé, le bac reste un objet de tension", note Teddy Gandel, professeur de sciences économiques et sociales au lycée polyvalent de Bezons (Val d'Oise).
Et comme il reste le diplôme le plus connu, il focalise l'attention de tous, y compris des parents qui sont le moins au fait de la compétition scolaire ou des enjeux de la formation, ajoute cet enseignant qui exerce dans un quartier populaire.
- Les enfants sur des rails -
"Mais ces parents oublient que le bac n'est pas le Graal. Il faut donc travailler en amont avec les élèves et les parents pour faire comprendre que cet examen est une porte d'entrée" et leur donner autant que possible les outils pour réussir en fac ou les informer sur les filières sélectives, ajoute M. Gandel.
L'inquiétude liée à la scolarité des jeunes s'est accentuée depuis plusieurs années en raison du contexte économique morose, constate Valérie Marty, présidente de la Peep, une des deux grandes fédérations de parents d'élèves.
Les parents pensent que la vie professionnelle de leurs enfants sera bien plus difficile que la leur et leur angoisse est parfois telle qu'on peut "avoir du mal à les raisonner", déclare-t-elle.
S'ajoute une défiance envers l'institution: la plateforme d'admission post-bac APB est vue comme "une machine à broyer", et une erreur dans l'énoncé d'un exercice réservé aux candidats de la spécialité maths du bac scientifique cette année a déclenché des réactions proches de l'hystérie chez certains parents, ajoute Mme Marty.
"On a un problème en France avec la question scolaire. Il y a une telle peur de l'échec! Les parents sont convaincus que si l'enfant tombe du fil, il n'y aura pas de 2e chance", soupire Claude Martin, chercheur au CNRS et auteur de "Être un bon parent, une injonction contemporaine" (éditions Presses de l'EHESP).
"Les adultes ne savent pas dire grand chose du monde dans lequel nous entrons car ils en ont peur", estime le sociologue. Beaucoup de parents "voudraient voir leurs enfants sur des rails. Mais les jeunes, si vous les écoutez, ne cherchent pas des rails. Ils veulent explorer. Ils savent qu'ils changeront de métiers à plusieurs reprises dans leur vie professionnelle".
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