Comme elle, 250 migrants dont une centaine d'enfants vivent en auto-gestion dans cette école fermée depuis trois ans.
Le squat s'est établi en mars, quand la soudaine fermeture des frontières au nord de la Grèce a transformé celle-ci en piège pour ceux qui s'y trouvaient, en route pour l'Allemagne, la Suède ou d'autres pays du nord de l'Europe.
Presque tous vivent actuellement dans des dizaines de camps aménagés en hâte par le gouvernement, beaucoup dans le nord de la Grèce. Certains louent des chambres. Les autres squattent grâce aux groupes de soutien de migrants.
Le gouvernement évalue à 1.500 le nombre de ceux vivant ainsi dans des "structures d'hospitalité extérieures".
Parmi les instigateurs de l'occupation de l'école, Sulaiman Dakdouk, "Kastro", un Syrien artiste et militant, en Grèce depuis vingt-huit ans : "On a tout réparé. L'école avait une fuite d'eau. Les voisins, d'abord pas contents, nous remercient aujourd'hui parce que l'eau ne coule plus chez eux".
Les familles, majoritairement syriennes et afghanes, occupent les trois étages, et la vingtaine de salles de classes, dans lesquelles une forêt de draps tendus délimitent les espaces de vie et protègent l'intimité.
Dans la cour de récréation où galopent les enfants, les espaliers de gymnastique servent d'étendoir à linge, la guérite du surveillant de salon pour le barbier.
Les décisions se prennent lors d'assemblées générales régulières.
Aucun argent n'est demandé aux migrants. Tout se fait grâce aux volontaires, qui répondent aux sollicitations postées sur Facebook par le "5ème lycée" : "sacs-poubelles, bouillons-cubes, serpillières, antiseptique", étaient ainsi souhaités jeudi.
Dalal Darwish, 35 ans, a quitté Oman et son travail de consultante en avril pour venir aider. "Je suis, disons, la coordinatrice", sourit-elle. Elle connaît chaque pensionnaire par son nom.
Elle montre la classe transformée en infirmerie, où officie Rashad Khalil, 61 ans, infirmier syrien kurde, qui attend la semaine prochaine une interview décisive avec les services grecs d'asile.
- 'Ici je vis en famille' -
Flacons et instruments sont soigneusement alignés sur une table. Au tableau, il a dessiné une Minnie de Disney recommandant, en anglais et arabe : "une once de prévention vaut une livre de traitements".
Dans le réfectoire, Khadija et d'autres femmes, gantées de caoutchouc, cuisent des spaghettis dans d'énormes faitouts. Elles cuisinent "ce qui se présente", poisson, poulet, légumes, et "quand c'est possible, j'ajoute ma petite touche de chef", plaisante Khadija.
"Certains quittent les camps pour venir ici" assure Kastro. Pour fuir les serpents, ou, comme une Syrienne et sa fille adolescente, l'insécurité qui menace les femmes voyageant seules. "Ici je vis en famille", souligne un jeune Syrien.
Les règles de base, comme accompagner systématiquement les petits aux toilettes, ou au magasin du coin, sont souvent mal respectées. Mais, nuance Dalal, "ils sont épuisés, pas d'humeur à ça. Parfois, on veut juste ne penser à rien".
Les volontaires organisent des sorties, des cours de langue, des après-midis récréatives. "Je ne peux rien contre la guerre en Syrie, mais ici je peux faire quelque chose", remarque Eleni, sexagénaire venue donner un cours de grec.
Kastro ne craint pas le tarissement de cette solidarité : "Tant qu'il y aura des conditions inhumaines il y aura des réponses humaines, donc l'équilibre. C'est ainsi qu'on résiste". Le groupe vient d'ouvrir deux nouveaux squats à Athènes, dans une école et un hôtel.
Dans un pays dirigé par le parti de gauche radicale Syriza d'Alexis Tsipras, une expulsion semble improbable.
Le gouvernement "n'a pas d'objection à ce genre d'initiatives, du moment qu'elles ne créent pas plus de problèmes qu'elles n'en résolvent", explique-t-on au bureau de Giorgos Kyritsis, porte-parole du service grec de coordination de la crise migratoire.
"Après tout, ajoute-t-on, des membres du parti au gouvernement ont participé à des initiatives de solidarité informelles. Dans le passé, et encore aujourd'hui".
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