En cas de rejet, l'ancienne ministre de l'Economie (2007-2011) de Nicolas Sarkozy devra comparaître, dans des délais pour l'instant inconnus, devant la Cour de justice de la République (CJR), l'instance qui juge les délits commis par les membres d'un gouvernement en exercice.
En décembre, les magistrats de la CJR l'ont renvoyée en procès, ce qui n'a pas empêché le conseil d'administration du Fonds monétaire international (FMI) de la reconduire, avec le soutien de la France, pour un deuxième mandat, qui démarre officiellement la semaine prochaine.
La CJR lui reproche le délit de "négligence" dont a résulté un détournement de fonds publics, soit les 404 millions d'euros accordés en 2008 à Bernard Tapie par un arbitrage pour régler son vieux contentieux avec l'ancienne banque publique du Crédit Lyonnais. Ce délit peut être puni d'un an de prison et 15.000 euros d'amende.
L'arbitrage est au coeur de lourds soupçons. D'un côté, les juges d'instruction, qui soupçonnent un "simulacre" organisé pour favoriser l'homme d'affaires, ont récemment achevé leur enquête. Six protagonistes sont mis en examen pour escroquerie en bande organisée et détournement de fonds ou complicité, dont Bernard Tapie, son avocat Maurice Lantourne, l'un des trois juges, Pierre Estoup, ou l'ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde à Bercy, Stéphane Richard.
Au civil, l'arbitrage a été annulé pour fraude par la cour d'appel de Paris, une décision sur laquelle la Cour de cassation doit se prononcer jeudi. Bernard Tapie a été ultérieurement condamné à rembourser les sommes perçues.
- "légèreté" -
Dans leur arrêt de renvoi, les magistrats de la CJR donnent acte à Christine Lagarde d'être devenue ministre en juin 2007 alors que l'arbitrage se préparait déjà, qu'elle n'avait pas de relation personnelle avec les protagonistes et qu'elle n'était pas intervenue dans le choix des trois arbitres, dont celui de Pierre Estoup, le plus controversé.
Mais ils estiment que sa décision de tourner le dos à la justice ordinaire et d'entrer en arbitrage, en dépit de "l'avis contraire et répété de l'Agence des participations de l'Etat", était "malvenue", et avait été "mal préparée" et "mal encadrée".
Les magistrats relèvent notamment que les explications "peu convaincantes, sinon affligeantes" de Christine Lagarde et son attitude face au dossier, témoignent "d'une précipitation et d'une légèreté constitutives de graves négligences de la part d'un ministre chargé de la conduite des affaires de l'Etat". Autre grief, le fait de n'avoir pas ordonné de recours contre la sentence, "alors qu'elle avait été informée de l'existence d'un moyen sérieux d'annulation".
Au contraire, le parquet général près la Cour de cassation a requis un non-lieu, considérant que la ministre avait "pu raisonnablement croire" qu'un arbitrage serait la solution la plus efficace.
Christine Lagarde a toujours affirmé avoir agi dans "l'intérêt de l'Etat" et "le respect de la loi".
Selon une source proche du dossier, le ministère public préconise le rejet de ses recours. Ses avocats estiment eux que la décision de la CJR est prématurée, le délit de négligence ne pouvant être caractérisé à leurs yeux tant que des condamnations n'ont pas été prononcées sur le détournement de fonds lui-même, a expliqué la même source à l'AFP.
Dans un débat qui promet d'être technique, ils soutiennent également que ce n'est pas le choix de l'arbitrage qui a permis le détournement, mais la fraude elle-même, à laquelle l'ancienne ministre n'a pas pris part.
La Cour de cassation examinera les recours en assemblée plénière, sa formation la plus prestigieuse, et devrait rendre sa décision dans le courant du mois de juillet, selon une source judiciaire. En cas de procès à la CJR, Christine Lagarde comparaîtrait devant six députés, six sénateurs et trois magistrats.
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