Après son discours au théâtre du Rond-Point le 3 mai, cette interview semble acter la deuxième étape de la désormais plus que probable entrée en campagne d'un président au plus bas dans les sondages: discours très musclé contre la droite, volontariste sur la conjoncture économique, nouveaux cadeaux fiscaux, critique ouverte de Donald Trump, message d'apaisement vis-à-vis de la CGT...
"D'abord, il y a bien une reprise en France et un début d'inversion de la courbe du chômage, c'est un fait indiscutable", déclare le chef de l'Etat, dans une formule moins hésitante que son "ça va mieux" du début d'année, beaucoup moqué, y compris dans son camp.
Particulièrement optimiste pour l'économie française, il sort de la réserve du gouvernement depuis deux ans sur les prévisions macroéconomiques pour annoncer 1,6% de croissance en 2016 et 1,7% en 2017, sauf accident lié au Brexit, contre deux fois 1,5% jusqu'ici prévus par Bercy.
En 2016, le chef de l'Etat espère que cela "permettra de créer au moins 200.000 emplois" et, pour 2017, il dessine les contours de la nouvelle baisse d'impôt qu'il avait appelée de ses voeux début mai. Elle ne pourra "être supérieur à 2 milliards d'euros" et de préférence "ciblée sur les classes moyennes".
Fait plutôt rare pour un chef d'Etat, M. Hollande se livre également à une critique très forte du futur candidat des Républicains à la présidentielle américaine, Donald Trump. Une victoire de celui-ci "compliquerait les rapports entre l'Europe et les Etats-Unis" et "oui", son entrée à la Maison blanche serait dangereuse, juge-t-il.
François Hollande l'Européen, qui a multiplié ces derniers jours les rencontres avec ses homologues et au Conseil européen pour tirer les conséquences du choix britannique de quitter l'Union européenne, se montre très ferme vis-à-vis de la City, souhaitant "adapter nos règles, y compris fiscales, pour rendre la place financière de Paris plus attractive".
- A droite, "beaucoup d'inconséquence et peu de justice" -
Il en profite d'ailleurs pour clore le débat sur l'organisation d'un référendum semblable en France, ouvert selon lui par des "apprentis sorciers", car "le rendez-vous démocratique sur l'Europe aura lieu lors de la prochaine présidentielle".
La droite n'est pas épargnée. Il voit dans ses projets "beaucoup d'inconséquence et peu de justice". "Les programmes des candidats à la primaire, c'est plus de dépenses dans tous les domaines et moins d'impôts dans tous les autres", moque-t-il en rodant ses arguments de campagne.
"C'est sur d'autres sujets que se fait la différence, essentiellement sur l'Europe et sur l'identité nationale mais pour le reste, c'est, si je puis dire, un fonds commun de mauvais placement", assène le chef de l'Etat qui pourrait affronter à nouveau celui qu'il a éliminé en 2012, l'ancien président Nicolas Sarkozy.
Mais M. Hollande s'adresse également à sa gauche, récusant le procès en trahison que lui font nombre d'alliés de 2012.
"La trahison, c'eût été de laisser le pays dans l'état où je l'ai trouvé. Je m'en expliquerai devant les Français autant que nécessaire", affirme le chef de l'Etat, qui, contrairement à Arnaud Montebourg et surtout à Jean-Luc Mélenchon, n'imagine "pas régler les problèmes des Français par une VIe République".
Apaisement également sur la loi Travail: "cette loi va permettre de donner au syndicalisme des moyens qu'il n'a jamais eus dans notre pays", promet-il, en rappelant qu'il ne lâchera pas sur l'article 2 (inversion de la hiérarchie des normes) et qu'il aura recours, si nécessaire, au 49-3 pour la dernière lecture à l'Assemblée.
Et fidèle à son rôle de rassembleur, le Président calme le jeu vis-à-vis d'une CGT directement mise en cause mi-juin par Manuel Valls au lendemain des violences très importantes à Paris: "elle n'est pas responsable des violences, elle en a même été victime".
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