Troisième événement sportif planétaire en terme d'audiences (3 milliards de téléspectateurs cumulés) derrière les JO d'été et la Coupe du monde de foot, le Tour est unique : itinérant par nature, ses quelque 3.500 km de routes offrent "le plus grand stade du monde", selon l'un de ses historiens, Serge Laget. Ouvert à tous, il est l'ultime grand rendez-vous sportif à proposer un spectacle gratuit. Il est surtout le seul où le décorum et l'ambiance peuvent prendre le pas sur l'action.
"Il faut maintenir la fête", estimait récemment son directeur Christian Prudhomme dans une interview à l'AFP, à quelques jours de la première étape au Mont Saint-Michel. Ou, en d'autres termes, ne pas sacrifier l'ambiance à une menace sécuritaire pesante.
Car le Tour, c'est avant tout "une grande fête populaire avec, à un moment donné, des coureurs qui passent", comme le résume Daniel Bilalian, patron du service des sports de France Télévisions, diffuseur historique de la Grande Boucle.
- Sublimation -
"Il y a les courses cyclistes et, au-dessus, il y a le Tour de France", reprend-il. "C'est un moment de joie de vivre simple, pendant trois semaines, en juillet. Une journée qui marque la vie des familles qui le voient passer, de grands-pères en pères et de pères en fils." N'en déplaise au Giro et à la Vuelta, ses petits frères qui n'ont, par leur intensité ou leur audience, jamais réussi à égaler son aura.
"Le Tour, c'est une légende qui s'auto-entretient avec la complicité des médias, de plumes comme Antoine Blondin", estime pour sa part Michel Merckel, auteur de "Le Tour de France et la Grande Guerre".
"On en attend des épopées", des qualificatifs excessifs qui parlent de mythes, d'enfer, de forçats de la route, de cols surhumains, qui subliment les performances pour en faire des exploits.
Parfois, aussi, le Tour se fond dans la grande Histoire. Merckel a ainsi comptabilisé soixante de ses 240 Géants (les coureurs l'ayant terminé) d'avant 1914, morts au combat durant le premier conflit mondial, devenant ainsi des légendes à plus d'un titre.
Chroniqueur de la course pour France Télévisions, l'ancien directeur du journal Le Monde Eric Fottorino rappelle qu'à l'époque, "le Tour épousait les frontières de la France, des Pyrénées à la Manche" et même à l'Alsace-Lorraine après la Deuxième Guerre mondiale, lorsque le territoire est redevenu français, par "la volonté affichée de montrer que la France, c'est beau, grand et puissant".
Pas étonnant donc, après plus d'un siècle d'histoires et 102 éditions inégales, interrompues seulement par les deux guerres mondiales, que le Tour soit devenu un "monument". Un symbole de la France profonde caricaturée dans "The Program", le biopic de Stephen Frears sur la chute du septuple vainqueur déchu Lance Armstrong. Celle de la baguette, du béret et des bistrots de villages, traversés par la caravane et ses anachroniques "goodies".
- Rien n'arrête le Tour -
Rien, hormis les armes, n'a pu stopper sa course, casser son rythme, reporter son départ. En 1998, des voix s'étaient élevées pour réclamer son arrêt devant l'affaire Festina. En vain.
The "show must go on". Même quand, à l'époque, un tiers des équipes l'avaient quitté, exclues ou démissionnaires. Même quand, quelques années plus tard, plus aucun suiveur ne s'aventurait à citer le dernier vainqueur à ne pas avoir été pincé par la patrouille antidopage. Car "l'arrêt du Tour, c'est l'arrêt du coeur", selon la maxime de Jacques Marchand, l'un de ses nombreux journalistes amoureux.
Cette année, la menace terroriste latente n'a pas vraiment contrarié les préparatifs, alors que la question de l'annulation de l'Euro de football était débattue. Quelle complexité, pourtant, de sécuriser les bas-côtés de routes secondaires où se massent bon an mal an douze à quinze millions de spectateurs ! Cette année, le GIGN sera de la partie. "Quel homme politique oserait prendre la responsabilité d'en demander l'annulation ?", s'interroge Daniel Bilalian.
Légendaire, mythique, pour user de qualificatifs récurrents dans le vocabulaire de ses zélotes, le Tour de France est aussi un produit éminemment bien "marketé". Le journal L'Equipe et l'organisateur ASO - tous deux propriétés du groupe Amaury - en ont fait un produit d'une rentabilité exceptionnelle avec un chiffre d'affaires estimé à 150 millions d'euros.
Sponsors et villes se battent pour l'accueillir, le voir partir ou le suivre à bord des véhicules publicitaires qui font partie intégrante de son succès populaire. 60.000 à 90.000 euros de redevance pour les communes qui l'accueillent : ce n'est pas cher payé pour une tranche de postérité.
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