Mais à la veille des élections législatives de mercredi, retards et corruption rendent les électeurs, jadis abreuvés de rêves de fortune, aussi sombres que le charbon de Tavan Tolgoï.
A Tsogttsetsii, cité à proximité de cette mine à ciel ouvert, les camions foncent et soulèvent des nuages de poussière blanche dans le désert de Gobi.
Le paysage est parsemé de yourtes - "ger" en mongol - sur lesquelles sont placardés les portraits de candidats s'engageant à convertir les ressources minières en emplois, écoles et système de santé amélioré.
Mais les projets s'enlisent depuis des années, minés notamment par les désaccords avec les compagnies étrangères et l'effondrement des prix du charbon.
Les affiches électorales fleurissent dans la capitale Oulan Bator, mais chez les Mongols, l'impuissance et la frustration dominent face à la corruption et au marasme économique, beaucoup disant préférer l’abstention.
"La Mongolie a toutes les ressources naturelles, mais nous sommes l'un des pays les plus pauvres", se désole Otgonbayar, conducteur de foreuse, en regardant de sa modeste "ger" les montagnes de déchets jouxtant la mine.
"Les dirigeants politiques font juste passer des lois qui les arrangent."
On est bien loin de l'optimisme de la révolution mongole de 1990 marquant la fin au joug soviétique, ou même du récent boom économique de 2011, lorsque la croissance avait atteint les 17% sur fond d'envolée du prix des matières premières.
- 'Apathie' -
La participation électorale connaît un déclin croissant, tombant à environ 65% en 2012, indique Ashleigh Whelan, directrice Mongolie pour le groupe de réflexion américain International Republican Institute (IRI).
"Nous constatons un niveau d'apathie dans le processus électoral, lié au fait que les citoyens n'ont pas l'impression d'avoir un choix approprié", estime-t-elle.
Il y a deux mois, la cour constitutionnelle mongole a modifié le mode d'élection des 76 membres du Grand Oural d’État, le parlement: de proportionnel, le scrutin est devenu majoritaire.
L'initiative réduit drastiquement les chances des formations politiques autres que le Parti démocrate (PD, actuellement aux affaires) et le Parti du peuple mongol (PPM, opposition), soupçonnés d'avoir ainsi comploté pour se partager le pouvoir.
Byambaagiin Bayarmagnai, responsable environnemental de 37 ans dans l'une des entreprises de Tavan Tolgoï, se dit contrarié, tout en affirmant que "la vie était meilleure sous le PPM".
Tavan Tolgoï est l'un des nombreux projets colossaux qui permettraient de réduire la pauvreté en Mongolie, parmi d'autres chantiers comme celui de la mine de cuivre et d'or d'Oyu Tolgoï, du géant anglo-australien Rio Tinto.
Mais cette richesse enfouie sous terre reste pour l'instant un mirage.
Le ralentissement économique en Chine - premier partenaire commercial de la Mongolie - a entraîné un écroulement des prix des matières premières, et les désaccords politiques sur la propriété et le prix des ressources ont freiné leur exploitation.
- 'Mouton frit' -
Une ex-coalition gouvernementale PD-PPM avait attribué à chaque Mongol des actions d'une entreprise d'Etat de Tavan Tolgoï.
Mais à quelques semaines des présentes élections, le Premier ministre Chimediin Saikhanbileg (PD) a annoncé un nouveau rachat de titres aux particuliers, une initiative suscitant des accusations d'achats de vote déguisés.
Malgré cela, plus d'un million de Mongols - un tiers de la population - se sont déclarés preneurs: s'ils revendent leurs actions, ils diront adieu aux futurs dividendes potentiels, mais encaisseront sur-le-champ de l'argent liquide.
Les Mongols essaient juste de "mettre du mouton frit sur la table", explique Julian Dierkes, de l'Université de la Colombie-Britannique, en référence à une spécialité culinaire locale.
"Cela vous montre à quel point les gens sont désespérés et ont besoin d'argent."
Selon Ashleigh Whelan, de l'IRI, 61% des Mongols jugent aujourd'hui que "le pays va dans la mauvaise direction", un taux bien plus élevé qu'avant la précédente élection de 2012.
"La démocratie ne s'arrêtera pas", nuance cependant Bagakhuu, chauffeur de 36 ans qui attend les clients devant un petit restaurant de Tsogttsetsii.
Mais il ajoute, penaud: "Nous avons la mauvaise démocratie."
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