"Cette tragédie, ce génocide a marqué malheureusement le début de la triste série des catastrophes immenses du siècle dernier", s'est exclamé le pape, qui s'adressait au premier jour de sa visite en Arménie au président Serge Sarkissian, à la classe politique et au corps diplomatique.
Le mot ne figurait pas dans son texte distribué à l'avance. Il l'avait prononcé une première fois au Vatican en avril 2015, déclenchant alors la colère d'Ankara.
"Il est tellement triste que dans celui-là et les deux autres (la Shoah et les massacres du stalinisme, qu'il avait cités en 2015), les grandes puissances regardaient ailleurs", a encore dénoncé le pontife.
"Ces effroyables catastrophes du siècle dernier ont été rendues possibles par d’aberrantes motivations raciales, idéologiques ou religieuses, qui ont enténébré l’esprit des bourreaux au point qu’ils se sont fixés le dessein d’anéantir des peuples entiers", a-t-il poursuivi.
Le chef de l'Eglise apostolique arménienne, le Catholikos Karekine II, en le recevant dans sa cathédrale d'Etchmiadzin près d'Erevan, puis le président, avaient tous deux évoqué devant lui le "Grand mal" de 1916/17 comme un "génocide".
Le Vatican avait évité de prononcer le mot "génocide" depuis que le pape l'avait utilisé dans la basilique Saint-Pierre en avril 2015.
La Turquie récuse ce terme pour les massacres de 1915/16 qui auraient fait 1,5 million de victimes sous l'Empire ottoman et affirme que les victimes, dans le cadre d'une guerre civile, ont été moins nombreuses et étaient aussi bien turques qu'arméniennes.
Le pape a "rendu honneur au peuple arménien, qui, même dans les moments les plus tragiques de son histoire, a toujours trouvé dans la Croix et dans la Résurrection du Christ la force de se relever et de reprendre le chemin avec dignité".
Jorge Bergoglio a souligné que ces dangers restent actuels : "ayant devant nos yeux les résultats néfastes auxquels ont conduit, au siècle dernier, la haine, le préjugé et le désir effréné de domination, je souhaite vivement que l’humanité sache tirer de ces tragiques expériences la leçon d’agir avec responsabilité et sagesse pour prévenir les dangers de retomber dans de telles horreurs".
- Martyrs d'hier et d'aujourd'hui -
"Les chrétiens en particulier, comme et peut-être plus qu’au temps des premiers martyrs, sont discriminés à certains endroits et persécutés pour le seul fait de professer leur foi", a-t-il une nouvelle fois dénoncé, faisant allusion notamment au Moyen-Orient.
Dans un pays où moins de 10% des habitants sont catholiques romains et les autres de rite oriental, le pape est perçu comme le meilleur avocat face à Ankara.
Depuis le pape Benoît XV, qui avait écrit trois fois au Sultan pendant la Première guerre mondiale pour faire stopper les massacres, le Saint-Siège a toujours été attentif au drame des Arméniens. Jean Paul II avait signé avec Karékine II en 2001 une déclaration condamnant le "génocide".
Samedi, le pape François se rendra au mémorial de Tsitsernakaberd, consacré à cette tragédie.
Selon l'Institut national arménien, 27 Etats ont déjà reconnu le génocide, notamment l'Allemagne, la France, la Russie, les Etats-Unis et le Vatican.
Le pape veut profiter de sa visite sur cette terre de martyrs pour mettre l’accent sur les persécutions et les réfugiés d'aujourd'hui. Il encouragera la vitalité de la foi chrétienne dans cet Etat reconstitué il y a seulement 25 ans, où les fidèles ont été persécutés "durant les années sans Dieu de l'époque soviétique", comme l'a rappelé le Catholikos Karékine.
Dans l'avion qui l'emmenait dans ce quatorzième voyage à l'étranger, François a aussi réagi au Brexit : il a appelé à la "responsabilité" de tous les Européens pour "garantir le vivre ensemble", après que "la volonté du peuple" se fut exprimé dans le vote historique britannique en faveur d'un retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne.
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