A l'origine de la renaissance de ce vin qui accompagne fort bien le "fritto misto" (friture de poissons) dégusté sur les plages italiennes, Guido Cocci Grifoni, qualifié par ses filles "d'un peu fou" et aujourd'hui disparu, est considéré comme un héros par ses collègues viticulteurs.
Au nez, un bon pecorino se reconnaît à ses effluves de fruits tropicaux, mais également à des notes de miel et d'herbes aromatiques, avec une touche d'acidité.
Le pecorino - à ne pas confondre avec le fromage au lait de brebis du même nom, que l'on saupoudre sur les pâtes - est un cépage typique des Marches et des Abruzzes, dans l'est de l'Italie.
Selon la légende, il doit son nom aux brebis ("pecora") paissant dans les collines de la région à proximité des pieds de vigne sauvage, et qui se régalaient de ses grains.
"Le pecorino n'est pas juste un cépage exceptionnel, c'est l'une des plus grandes +success story+ du XXe siècle en Italie", affirme Ian d'Agata, auteur en 2014 d'un ouvrage sur les cépages indigènes d'Italie.
- Une petite parcelle pour sortir de l'oubli -
Victime de la désertification des campagnes, la variété aurait pu disparaître sans la ténacité de Guido Cocci Grifoni qui était, au début des années 1980, le seul à croire en son potentiel.
A l'époque, d'autres variétés locales, tels le trebbiano et la malvasia, lui sont préférées pour produire des vins de table distribués par les coopératives de la région.
"Le pecorino n'est pas un cépage généreux. Or en ces temps-là, faire du volume était important car les viticulteurs avaient besoin d'argent", explique à l'AFP Marilena Cocci Grifoni, qui gère désormais l'exploitation familiale d'Arquata del Tronto, aux côtés de sa sœur Paola, oenologue.
Leur père a une intuition géniale: ce cépage presque oublié, dont il rachète une petite parcelle à un viticulteur de 80 ans, à 1.000 m d'altitude, va lui permettre de réaliser son rêve.
Après quelques expérimentations, le premier pecorino, fruit de la récolte 1990, est vendu comme un modeste vin de table.
Petit à petit, la qualité des vins de Guido commence à être connue et reconnue et, en 2001, le pecorino produit à Offida obtient une dénomination d'origine contrôlée (DOC).
Dix ans plus tard, c'est la consécration avec le passage en DOCG (dénomination d'origine contrôlée et garantie), au même titre qu'un chianti classico ou un barolo.
- Résurrection et baptême -
Même si le pecorino a été ressuscité par la famille Cocci Grifoni dans les Marches, c'est désormais dans les Abruzzes voisines que l'essentiel de la production se fait.
"Les Cocci Grifoni ont redécouvert le pecorino, moi je l'ai baptisé", aime dire Luigi Cataldi Madonna, victiculteur et professeur de philosophie à l'Université, lecteur assidu de Saint Augustin.
Pour lui, le vin n'est pas un "produit noble" mais avant tout "fait pour le peuple": "Je bois quand je suis heureux et que je veux passer du bon temps, avec des amis, c'est pour ça que le vin existe", confie-t-il à l'AFP.
Le pecorino se retrouve désormais jusque dans les rayons des supermarchés britanniques et sur les tables des bons restaurants aux Etats-Unis.
Avec une production qui a explosé entre 2000 et 2011, M. D'Agata appelle cependant à la prudence: il ne faudrait pas que le pecorino soit victime de son succès.
"Aujourd'hui, c'est le vin italien à la mode, et en vieillissant, il devient complexe et très intéressant", estime-t-il. Mais, prévient-il, à force de planter cette variété partout, "et de vouloir en faire un cépage à haut rendement - ce qu'il n'est pas -, on en vient à créer un vin qui ne ressemble ni par sa robe ni par son goût au pecorino qu'on aime".
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