L'établissement vient d'être rebaptisé "Quai Branly - Jacques Chirac", une appellation justifiée tant a été grande l'implication de l'ex-président de la République dans la création de ce musée des arts d'Afrique, d'Océanie et des Amériques.
Conçue par l'ex-ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon, une exposition intitulée "Jacques Chirac ou le dialogue des cultures" (21 juin - 9 octobre) rend hommage à la passion de l'ancien chef de l'Etat pour les civilisations premières.
Une passion liée en partie à une rencontre: celle du collectionneur Jacques Kerchache, qui militait pour l'intégration de l'art non occidental dans les grandes collections, comme celle du Louvre. Son approche est controversée, mais il trouve une oreille attentive auprès de l'ancien chef de l'Etat, qui, dès son élection en mai 1995, lance le projet d'un grand musée des cultures non européennes.
Un terrain est retenu sur les bords de la Seine, à deux pas de la Tour Eiffel, et Jean Nouvel choisi par un jury pour concevoir le bâtiment : il en fera quatre, réservant plus de la moitié de la superficie à un jardin, protégé de la circulation par un mur de verre. Le bâtiment principal, abritant les collections, est une longue courbe sur pilotis d'où surgissent des boites de couleur.
- Geste politique -
Parallèlement, Jacques Chirac donne son feu vert à la création au Louvre, dans l'ancien Pavillon des Sessions, d'un espace dévolu à l'art non européen. 110 chefs d'oeuvre de quatre continents y sont exposés à partir d'avril 2000, dans une scénographie luxueuse. Une réalisation présentée alors comme un geste politique et qui ne fait pas l'unanimité chez les conservateurs du musée.
Malgré des problèmes de finition et des dépassements de devis, l'oeuvre de Jean Nouvel est bien reçue, y compris par le grand public. La galerie permanente d'un seul tenant - pas de salles blanches successives - est certes diversement appréciée, mais la polémique viendra d'ailleurs.
Pour constituer ses collections, la direction du Quai Branly a en effet prélevé massivement des oeuvres dans d'autres institutions publiques. En 1998, le Musée de l'Homme est dépouillé de quelque 300.000 pièces, et celui des Arts d'Afrique et d'Océanie de 25.000 objets.
Des déménagements qui passent mal chez les chercheurs, choqués par la "brutalité de l'opération". Entre grèves et pétitions, un livre de l'ethnologue Bernard Dupaigne, intitulé "Le scandale des arts premiers", dénonce ces déménagements mais aussi le choix de l'esthétique au détriment de la signification anthropologique des oeuvres.
Interrogé par l'AFP, il se montre aujourd'hui un peu moins sévère. Tout en estimant insuffisant le travail scientifique sur les collections du musée, il juge "assez correcte" la mise en contexte des oeuvres dans les expositions temporaires.
Pour le président du Quai Branly, Stéphane Martin, avec la mondialisation et les nouvelles pratiques du grand public, notamment sur internet, "il était urgent de penser un nouveau modèle", qui "fasse dialoguer ethnologie et histoire de l'art". Selon lui, cette approche a fait du musée "une référence au niveau international" tout en lui assurant un succès public.
Le Quai branly enregistre une moyenne de 1.350.000 visiteurs par an "là où les prévisions de fréquentation les plus optimistes s'établissaient à 800.000 visiteurs annuels", selon son président. Un succès dû aussi à "une nouvelle lecture des cultures, des mouvements sociétaux et/ou historiques" avec des expositions comme "Planète métisse", "Cheveux chéris" ou "Tatoueurs, Tatoués" (2014-2015). Celle-ci a attiré 702.138 visiteurs, en 18 mois (1.531 visiteurs par jour), un record depuis l'ouverture. Mais "Teotihuacan, Cité des Dieux" en 2009 en avait accueilli 2.381 par jour sur trois mois.
Si le Quai Branly est une réussite, il le doit aussi à l'Etat, particulièrement généreux. Les subventions publiques atteignent 77% du budget annuel (42 millions d'euros sur 54 millions), alors qu'elles représentent la moitié du budget du Louvre et un quart de celui du musée d'Orsay.
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