Les sénateurs examineront jusqu'au 24 juin le projet de loi que le gouvernement avait fait adopter à l'Assemblée nationale via l'article 49-3. Au Sénat, où cette arme constitutionnelle ne peut pas être utilisée, un vote solennel est programmé le 28 juin.
Le texte fera ensuite l'objet d'une commission mixte paritaire Assemblée/Sénat chargée de trouver un accord. En cas d'échec, attendu, c'est l'Assemblée nationale qui aura le dernier mot. Manuel Valls y utilisera très probablement à nouveau le 49-3.
Le Sénat va maintenir le principe contesté d'inversion de la hiérarchie des normes, avec primauté de l'accord d'entreprise sur l'accord de branche (article 2). Cette disposition, qui divise tant la gauche, a provoqué la colère de la CGT et est devenue le catalyseur des grèves et manifestations qui secouent la France depuis plus de trois mois.
Lundi, Air France avait prévu d'opérer "79% de ses vols" en raison d'une grève des pilotes qui s'opposent au changement de certaines règles de calcul de leur rémunération. La SNCF annonçait de son côté 4,6% d'agents grévistes, tous métiers confondus et un conducteur sur trois.
A Paris, la collecte des déchets est revenue à une situation "quasiment normale", selon la mairie.
Mais à propos de la journée de mardi, le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez a prévenu: à ceux qui "spéculent" sur l'essoufflement du mouvement social, "nous allons faire la démonstration" d'une mobilisation "comme nous n'en avons jamais connu" depuis février.
Le préfet de police a dit attendre "plusieurs dizaines de milliers de manifestants, peut-être au-delà de 50.000".
M. Martinez a aussi appelé le gouvernement à discuter. "Je ne suis pas pessimiste, j'espère que le gouvernement comprend ce qui se passe", a-t-il dit.
"La position de la CGT a évolué et c'est une bonne chose", a estimé de son côté la ministre du Travail Myriam El Khomri. Rappelant qu'une rencontre avec M. Martinez est prévue vendredi, elle a ajouté que "le préalable de la CGT était le retrait du texte". "Aujourd'hui, ce n'est plus ce que dit Philippe Martinez, donc moi j'attends vendredi", a-t-elle fait valoir.
- "Réforme honteuse" -
En plein Euro de football, l'exécutif mise sur les débats au Sénat pour faire baisser la tension à gauche, voire resserrer les rangs. Manuel Valls dénonce une réécriture "ultra-libérale" du texte dans une "surenchère" droitière, à dix mois de l'élection présidentielle.
"La version adoptée par la commission des affaires sociales du Sénat va nous offrir l'opportunité d'exposer avec la plus grande clarté, devant les Français, deux conceptions du monde du travail et du dialogue social", a lancé dans l'hémicycle Mm El Khomri.
Elle a aussi accusé la majorité sénatoriale d'avoir "rejeté et largement remplacé" un projet social-démocrate moderne "par de vieilles recettes qu'à chaque débat vous ressortez sans les avoir néanmoins jamais présentées lorsque vous étiez aux responsabilités".
Outre l'inversion de la hiérarchie des normes, le Sénat veut notamment rétablir le plafonnement des indemnités de licenciement ou encore "faire sauter le verrou" des 35 heures.
"Vous avez la réforme honteuse, nous avons la réforme revendiquée", lui a répondu l'un des co-rapporteurs, Jean-Baptiste Lemoyne. "Une durée de référence fixée par accord collectif se substituera à la durée légale de 35 heures", a-t-il dit. "Certains se mettront à 37 heures, d'autres conserveront 35 heures.. Que vous l'assumiez ou non, c'est la logique de l'article 2", a-t-il dit.
Farouches opposants au texte, les sénateurs communistes, dont le numéro un du PCF Pierre Laurent, ont déposé 402 amendements sur un total de 985, et deux motions de rejet.
Leur présidente, Eliane Assassi, a notamment plaidé "la violation flagrante des dispositions du préambule de 1946 favorables aux travailleurs, principes et partie intégrants de la Constitution".
Les deux motions ont été rejetées.
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