Venus de New York, bien sûr, mais aussi de tous les Etats-Unis, ils étaient comme aimantés par ce qui était devenu, le 11 septembre 2001, l'endroit où il fallait être.
Pompiers, policiers, ouvriers ou simplement volontaires fouillaient les débris, sous les yeux du reste du monde, impuissant.
Parmi eux, Andrea Booher, photographe appelée par l'agence fédérale chargée des catastrophes majeures (Fema), était aussi à pied d'oeuvre.
"Il y avait une espèce de frénésie dans les recherches et personne ne voulait quitter le site. (...) Nous sentions que les heures s'envolaient", se rappelle-t-elle, dans un entretien à l'AFP.
Dès le 12 septembre, "Ground Zero" est fermé aux médias. Elle devient, avec son collègue Michael Rieger, la seule à pouvoir prendre des photos sur le site, pour l'Histoire.
C'est une sélection de ses clichés qui a été retenue pour l'exposition "Hope at Ground Zero" ("Espoir à Ground Zero"), démarrée le 26 mai et présentée jusqu'en mai 2017 au musée du 11-Septembre, situé sur le site même du World Trade Center.
Les images de l'exposition, parfois des tirages de plusieurs mètres de haut, montrent ces hommes et ces femmes, devenus des fourmis sur un tas d'immondices, baignés d'une lumière apocalyptique qui filtre à travers les fumées.
Rapidement, la fièvre des premiers jours, lorsqu'il était encore question de trouver des survivants, a fini par s'envoler.
"Je suis arrivée un jour sur le site. Personne ne disait rien, mais il y avait cette atmosphère déprimante, très lourde", raconte-t-elle. "Il pleuvait. Vous sentiez que c'était terminé, que l'espoir s'était envolé. Nous n'allions plus trouver personne."
Vingt personnes ont été retrouvées vivantes dans les décombres, les dernières le 12 septembre, au lendemain des attentats de New York qui ont fait 2.753 victimes.
- 'Le meilleur de l'humanité' -
Etre les deux seuls photographes sur le site, dit-elle, "c'était un honneur, mais aussi beaucoup de responsabilités. (...) Je me suis poussée jusqu'à la limite."
Au départ, cette habituée des grandes catastrophes n'avait accès qu'au site, mais pas à la "pile", le gigantesque tas qu'étaient devenues les deux tours, considérée comme trop dangereuse.
"Nous avons du gagner (la) confiance" des pompiers, qui supervisaient le site, et qui "nous voyaient tous les jours, à toute heure", explique-t-elle.
Les hommes du feu, qui ont perdu des centaines des leurs le 11-Septembre, remarquent aussi que les deux photographes, sans s'être concertés, lâchent leurs appareils à la découverte d'un corps ou de restes humains, qu'ils ne documentent pas.
Adoptés, ils deviennent des volontaires comme les autres. On pose pour eux, seul ou en groupe, le visage souvent sale, comme des mineurs à ciel ouvert, au milieu de ces monstrueuses poutres d'acier, disloquées à la manière de vulgaires fils de fer.
"Encore aujourd'hui, j'ai ce lien avec tellement de gens qui sont sur ces photos", dit Andrea Booher, qui a envoyé plus de 600 CD à ceux qu'elle avait pu identifier. "On reste en contact, on se demande des nouvelles."
Les anciens de Ground Zero sont aussi liés par ce qu'ils ont absorbé sur le site, un mélange inédit et incroyablement toxique, composé notamment d'amiante, de mercure ou de benzène.
Malgré les masques, que tous n'ont pas porté, plus de 4.000 personnes présentes le jour des attentats ou ensuite, lors des excavations sur le site, ont contracté un cancer directement lié à l'événement, selon un document parlementaire publié fin 2015. Une loi d'indemnisation a été votée en 2010.
Andrea Booher, qui est restée deux mois et demi à "Ground Zero", a depuis des problèmes de sinus, mais estime s'en être bien sortie, elle qui n'a jamais porté de masque.
Aujourd'hui, lorsqu'elle revient sur les lieux, elle voit toujours l'endroit tel qu'elle l'a quitté, ce jour d'automne 2001. "C'est gravé dans ma mémoire", dit-elle.
Il y avait de l'horreur, mais aussi un élan, impulsé par ces milliers d'anonymes, dit-elle: "c'est là que vous voyez le meilleur de l'humanité".
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