Ces initiatives sans précédent font partie du Programme de transformation nationale (PTN), approuvé lundi par le gouvernement avec pour objectif de diversifier une économie trop dépendante du pétrole.
"L'intention est aussi de transformer la société", a déclaré mardi à la presse le ministre de la Culture et de l'Information Adel al-Turaifi, à propos de ce plan d'action sur cinq ans qui prévoit notamment la création de 450.000 emplois dans le secteur privé d'ici 2020.
Le royaume wahhabite, une monarchie absolue régie par une version très stricte de l'islam, fait l'objet de critiques sur les exécutions capitales, les opposants emprisonnés ou les restrictions imposées aux femmes, qui n'ont pas le droit de conduire. La représentation de figures humaines y est également interdite.
Mais selon les objectifs du PTN, un Complexe royal des arts et une Cité des médias vont voir le jour. L'annonce a été favorablement accueillie par des artistes, bien que l'Arabie saoudite parte de "zéro", a aussitôt noté le poète Ahmed Almulla.
Le royaume n'a pas su fournir à certains de ses artistes, pourtant exposés et reconnus à l'étranger, "une plateforme et un espace pour les soutenir" dans leur propre pays, a reconnu le ministre Turaifi.
Le Complexe royal des arts permettra de changer la situation en "aidant à véhiculer une image de l'Arabie saoudite au monde", a-t-il affirmé.
"Nous voulons créer des institutions qui puissent montrer le travail de ces artistes, les soutenir et leur fournir des subventions pour réaliser leurs rêves de création artistique", a encore déclaré le ministre saoudien.
Bien que les salles de cinéma soient interdites, le long métrage "Wadjda", réalisé par la Saoudienne Haifaa Al-Mansour, avait été acclamé par la critique internationale et largement récompensé dans des festivals en 2013.
Outre le Complexe royal des arts, Ryad veut aussi mettre en place une Cité des médias pour encourager notamment la production audiovisuelle locale et créer en cinq ans 6.100 emplois dans le secteur des médias, qui en compte 10.000 actuellement.
Certaines monarchies du Golfe sont jalouses de Dubaï qui a créé il y a 15 ans une Cité des médias, en zone franche, et réussi à attirer quelque 2.000 médias régionaux et internationaux, dont la grande chaîne de télévision Al-Arabiya à capitaux saoudiens.
- 'Coffre-fort' -
Interrogé au téléphone par l'AFP depuis Dammam (est de l'Arabie), Ahmed Almulla a rappelé que jusqu'ici, les artistes saoudiens n'avaient pu travailler qu'à temps partiel.
Le secteur a besoin d'infrastructure, y compris d'une base dans les institutions d'enseignement, a-t-il dit, ajoutant que les artistes sont "comme une pièce rare interdite de circulation".
"Mon pays est un coffre-fort de talents artistiques", a déclaré M. Almulla, soulignant que le processus "nécessitait du travail" pour venir à bout de l'héritage d'"intimidation" des conservateurs.
Plus de la moitié de la population saoudienne a moins de 25 ans et les jeunes sont avides des réseaux sociaux et des vidéos en ligne.
Le ministre de la Culture et de l'Information a clairement mis en avant la volonté de l'Arabie saoudite d'améliorer son image et de promouvoir sa culture, affirmant que le pays a fait l'objet "au cours de ces dernières décennies, d'accusations et de stéréotypes".
Interrogé pour savoir si le niveau de liberté d'expression était suffisant pour faire prospérer la création artistique et les médias, M. Turaifi a jugé que les journaux critiquent déjà "tous les jours" les programmes du gouvernement.
L'Arabie saoudite est au 165e rang sur 180 pays dans le classement de Reporters sans frontières sur la liberté de la presse. Et elle a été vivement critiquée pour avoir condamné à dix ans de prison et 1.000 coups de fouet le blogueur Raef Badaoui.
"Il est difficile d'imaginer l'émergence d'une scène artistique et d'un secteur médiatique prospères dans un climat où exprimer des opinions taboues ou différentes conduit généralement à de longues peines de prison", souligne Adam Coogle, de l'ONG Human Rights Watch basée à New York.
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