Depuis un mois, les étudiants boycottent les cours pour demander la démission de Peter O'Neill, le Premier ministre de ce pays d'Océanie de plus de sept millions d'habitants, qui occupe la moitié orientale de l'île de Nouvelle-Guinée. Soupçonné de corruption, M. O'Neill refuse de se soumettre à un mandat d'arrêt émis contre lui.
D'après des témoins, les heurts de Port-Moresby ont éclaté au moment où les étudiants s'apprêtaient à quitter l'Université de Papouasie-Nouvelle-Guinée pour manifester devant le Parlement, où le Premier ministre devait affronter une motion de défiance.
Selon Noel Anjo Koalo, un militant qui fait campagne contre la corruption, la police a érigé des barricades et mis en joue les étudiants.
"Puis, ils ont commencé à leur tirer dessus", a-t-il déclaré par téléphone à l'AFP, ajoutant avoir vu plusieurs blessés. "Nous avons deux systèmes judiciaires en Papouasie-Nouvelle Guinée, un pour le Premier ministre, l'autre pour les citoyens ordinaires".
Vingt-trois personnes ont été blessées dans les affrontements, a déclaré dans un communiqué le commissaire Gari Baki. Cinq sont dans un état critique, selon des sources hospitalières.
Les informations de la presse australienne selon lesquelles quatre personnes ont été tuées ont été démenties.
Amnesty international a fait état de son côté de 38 blessés, dont quatre dans un état critique. L'organisation de défense des droits de l'homme a dénoncé "une attaque honteuse contre le droit à se rassembler pacifiquement et à la liberté d'expression". De son côté, Human Rights Watch a réclamé l'ouverture d'une enquête. "Les tirs de policiers sur des étudiants sont choquants. Les membres des forces de sécurité responsables d'avoir fait un usage inconsidéré de la force doivent être traduits en justice", a estimé le directeur adjoint pour l'Asie de HRW, Phil Robertson.
Selon le commissaire Baki, la police a tiré en l'air pour disperser la foule après avoir prévenu les étudiants que leur manifestation était illégale et essuyé des jets de pierre. Une foule armée d'arcs, de flèches et d'armes à feu faites maison ont tenté en vain d'incendier une caserne de la police, a-t-il également dit.
- Considérations politiques -
Le Premier ministre a dénoncé pour sa part "un petit groupe d'étudiants violents", qui "ont lancé des pierres sur la police et provoqué une réaction, sous la forme de tirs de gaz lacrymogène et de tirs de sommation". "Les causes des blessures des étudiants doivent encore être déterminées", a-t-il déclaré.
M. O'Neill a accusé les membres de l'opposition, qualifiée "d'agitateurs politiques", d'être responsables: "les gens à l'origine de ces manifestations ont des objectifs politiques", a-t-il affirmé.
Depuis deux ans, la police anti-corruption cherche à entendre M. O'Neill mais ce dernier a réussi à éviter toute audition en multipliant les recours judiciaires.
Les policiers cherchent à savoir s'il a autorisé le versement à un important cabinet d'avocats de millions de dollars de financements publics illégaux.
En réaction au mandat d'arrêt lancé en 2014, le Premier ministre avait démis de leurs fonctions le directeur de la police nationale et le ministre de la Justice, de même qu'il avait suspendu plusieurs autres responsables du ministère de la Justice et policiers de haut rang.
Il avait également démantelé l'organisme chargé de la lutte contre la corruption dans ce pays miné par la criminalité, où bon nombre d'habitants mènent des modes de vie traditionnels et survivent tant bien que mal dans des zones reculées.
M. O'Neill dément les accusations de corruption. Le mois dernier, il avait publié une longue lettre en réponse aux étudiants, affirmant que les soupçons étaient motivés par des considérations politiques.
Canberra comme Washington ont mis en garde contre une détérioration de la situation.
"La situation reste volatile et pourrait dégénérer à tout moment", a déclaré l'ambassade des Etats-Unis à Port-Moresby.
La ministre australienne des Affaires étrangères Julie Bishop a appelé "toutes les parties au calme".
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