Devenue vétuste, cette arène gigantesque qui accueillait 100.000 spectateurs dans les années 1950 a cédé en avril sous les coups des bulldozers pour faire place à une nouvelle enceinte en vue de l'Euro-2020.
Mais selon Zoltan Molnar, rien ne remplacera dans le coeur des supporters cet écrin où les Magyars infligèrent à l'Angleterre sa plus cuisante défaite à ce jour, 7-1 en match amical en 1954.
"C'était plus qu'un stade. C'était l'endroit d'où la Hongrie régnait sur la planète football", rappelle M. Molnar, un passionné qui a travaillé durant 28 ans dans l'ancien Nepstadion, le "Stade du peuple".
Cet ultime vestige disparu, plus rien ne témoigne selon lui de l'époque des presque invincibles Puskas, Kocsis et autres Bozsik (31 victoires d'affilée), seulement battus d'un cheveu par la RFA en finale du Mondial-1954 (2-3).
Un âge d'or qui tranche avec le parcours laborieux de la sélection actuelle, obligée de passer par les barrages pour valider son ticket pour son premier grand rendez-vous sportif depuis le Mondial-1986.
- 'Baroque stalinien' -
Rebaptisé en 2002 du nom de Ferenc Puskas, du vivant du fabuleux attaquant magyar, le Nepstadion avait été construit par une armée de volontaires de 1948 à 1953, "par le peuple, pour le peuple". Puskas y alla lui-même de la truelle, du moins pour les photos de propagande.
Car pour le dictateur hongrois Matyas Rakosi, cette enceinte en béton ultra-moderne devait illustrer la suprématie du monde communiste sur l'Occident, comme le souligne l'historien des sports Gergely Csoti pour l'AFP.
Un pari réussi au moins en partie: en 1957, le quotidien sportif français L'Equipe salue "un modèle de perfection sportive et architecturale". Surtout en comparaison avec le vieux stade de Colombes près de Paris, alors décrépit et limité à 60.000 places.
Malgré son humiliation, l'équipe d'Angleterre elle-même avoue avoir été émerveillée par les installations: le gardien, Gil Merrick, ne tarit pas sur les vestiaires "comme un palace" et les bassins pour se délasser après le match.
Quintessence du "baroque stalinien" avec son dallage de marbre et ses statues sportives, le Nepstadion paie toutefois aussi son tribut à la Guerre froide.
En 1953, le stade ouvre alors que son troisième niveau n'est que partiellement achevé: il s'agit de démentir une rumeur de l'organe américain Radio Free Europe selon laquelle l'enceinte n'est pas opérationnelle. Mais Rakosi n'oublie pas de s'y faire installer un abri anti-aérien.
- La défection du Major -
Malgré ce stade de prestige, Budapest ne parvient toutefois pas à décrocher les Jeux olympiques de 1960, attribués à Rome.
Selon M. Csoti, l'URSS aurait à l'époque intrigué en sous-main pour qu'échoue la candidature hongroise car "Moscou (hôte des JO-1980) ne voulait pas que les JO aillent à un autre pays de l'Est avant lui".
Une chose est sûre: Rakosi ne contribue pas à s'attirer les bonnes grâces du CIO. Lors de l'inauguration du stade par une chaude journée d'août 1953, il exclut de sa loge climatisée le président de l'organisation, l'Américain Avery Brundage, le traitant de "capitaliste"...
Mais c'est la défection de Puskas et de ses équipiers lors du Soulèvement de Budapest de 1956 qui signe véritablement le début du déclin du Nepstadion.
Son élite footballistique passée à l'Ouest, le régime se détourne du sport et ouvre le stade à de nouvelles utilisations. C'est ainsi que le jazzman Louis Armstrong s'y produit en 1965 devant 80.000 personnes.
Juste retour des choses: le stade sert de cadre à un dernier hommage à Puskas en décembre 2006, lors des funérailles du "Major galopant". Un service religieux y rassemble la crème du football européen, dont son ancien coéquipier du Real Madrid, Raymond Kopa.
Le nouveau stade national hongrois (68.000 places) doit être achevé pour l'Euro-2020, coorganisé pour la première fois par douze pays dont la Hongrie. Pas sûr que Budapest y célèbre un jour des vice-champions du monde.
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