"Je calcule le temps que je vais passer dehors pour savoir si j'aurai besoin d'aller aux toilettes", confie Arthur, un adolescent transgenre, qui est né fille. "Et si ça va être plus long que prévu, je ne bois aucun liquide et tente de ne rien avaler qui me pousse à y aller parce que ça fait peur".
Piercing à la lèvre, cheveux courts en partie décolorés, Arthur vit dans sa chair le débat envenimé qui agite les États-Unis depuis plusieurs mois. Avec au premier plan, l'adoption en mars en Caroline du Nord d'une loi contraignant les personnes transgenres à utiliser les toilettes publiques correspondant au sexe inscrit sur leur certificat de naissance.
"Pas d'hommes dans les toilettes des filles!" scandent les défenseurs de cette loi qui a inspiré d'autres élus aux Etats-Unis, agitant le spectre de visiteurs menaçants.
Mais en face, ces lieux peuvent aussi être intimidants pour ceux qui comme Arthur ne correspondent pas tout à fait à l'image du sexe auquel ils s'identifient. Pour éviter les toilettes publiques, tous les moyens sont alors bons.
"Nous constatons plus d'infections urinaires, de cystites et de désordres alimentaires" chez les adolescents transgenres, souligne Jennifer Leininger, responsable d'un programme dédié à ces jeunes à l'hôpital pour enfants Lurie Children's Hospital de Chicago.
La question des toilettes est une vraie préoccupation, renchérit Robert Garofalo, chef de la clinique pour enfants transgenres du même hôpital.
"Il n'est pas rare que je fasse une lettre de +sauf conduit+ pour mes patients transgenres, au cas où ils se fassent harceler si par exemple on appelle la police" à cause de leur présence dans les toilettes, assure-t-il.
"Tout commence avec la sécurité à l'école. Un élève qui craint pour sa sécurité et son bien-être ne peut pas se concentrer sur l'apprentissage ni grandir de façon saine", souligne le spécialiste.
- "Droits civiques" -
Sur ce point, le lycée d'Arthur Brown, installé dans la petite ville de Deerfield, au nord de Chicago, est à l'avant-garde dans l'accueil des élèves transgenres avec notamment des toilettes unisexes et vestiaires séparés.
"J'ai pu me concentrer sur mes études plutôt que juste tenter de survivre. Cela m'a permis de vraiment être attentif en classe au lieu de m'inquiéter de ce que j'allais faire en cours de gym ou d'où j'allais aller aux toilettes", dit-il.
A quelques kilomètres, les responsables du réseau d'établissements publics de Chicago, qui couvre 2,7 millions d'habitants, ont envoyé des directives sur la même ligne.
"Dans nos écoles, le principal en compagnie du conseiller d'éducation, de l'élève et de sa famille élaborent des plans personnalisés qui permettront d'aider l'élève à se sentir bien", explique Janice Jackson, une responsable du réseau.
L'exemple de Chicago figurait en bonne place dans la circulaire envoyée le 13 mai par l'administration Obama à tout le système public d'éducation, affirmant que l'accès aux toilettes et aux vestiaires devait se faire selon le sexe auquel un élève s'identifie, et non selon son sexe de naissance. Et cette ville du nord des États-Unis n'est pas seule dans ses efforts.
A Los Angeles, les élèves n'ont pas besoin de présenter un rapport médical ou psychologique pour que leur identité sexuelle choisie soit reconnue. A New York, les élèves transgenres peuvent participer aux cours de gym qui sont séparés entre filles et garçons "en accord avec leur identité de genre".
Mais de telles initiatives en font rugir certains. Onze Etats ont lancé le 25 mai des poursuites contre le gouvernement Obama pour sa circulaire. Et dans une autre banlieue de Chicago, 51 familles poursuivent un lycée pour avoir autorisé un élève né garçon et s'identifiant comme fille à utiliser une cabine fermée mais située dans les vestiaires féminins.
Une décision qui va à l'encontre "du devoir de protéger l'intimité, la sécurité et la dignité de tous les élèves", selon Jeremy Tedesco, de l'organisation Alliance Defending Freedom, l'un des deux groupes religieux derrière la plainte.
Pour Robert Garofalo, le débat actuel marque "en quelque sorte la bataille des droits civiques de cette génération".
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